Une publication Instagram du 2 février dernier de mes chères The Simones a provoqué de grandes réflexions en moi. Je cite ici cette publication afin de ne pas la dénaturer. Elle était accompagnée de deux photos, l’une d’Audrey Hepburn, l’autre de Madonna – à l’âge de 63 ans.
“Ne pointons pas du doigt les joueurs mais plutôt les règles du jeu. Arrêtons de critiquer les femmes « mûres » qui ont fait le choix de passer par la chirurgie esthétique afin de paraître plus jeunes. Pointons plutôt du doigt les ravages des « standards de beauté » et les injonctions à rester éternellement « jeunes et fraiches » lorsque l’on est une femme. Si vous vous dites qu’Audrey Hepburn a bien vieilli tandis que Madonna, ou d’autres célébrités ayant eu recours à la chirurgie esthétique, sont « toxiques » pour les femmes car elles mettent en avant des visages trop lisses pour leurs âges, prenez un peu de recul et blâmez le culte du jeunisme, l’industrie de la mode, du cinéma… et plus largement : le patriarcat qui poussent tous gentiment aux oubliettes les femmes de plus de 60 ans. En résumé : Ne blâmons pas les femmes qui tentent simplement de rester « visibles socialement » avec les moyens du bord. Parce qu’au fond : reprocher aux femmes de se conformer à des normes misogynes, c’est aussi de la misogynie.”
Premier point : The Simones est un compte Instagram d’utilité publique. Alix et Constance, qui animent cette page, dénoncent avec intelligence, mesure et subtilité le patriarcat et le sexisme et mettent en avant des femmes exceptionnelles, des temps passés ou présents.
Deuxième point : je suis fort sensible à la problématique du jeunisme (ayant débuté sur Instagram à 40 ans) et j’ai déjà longuement parlé de cette problématique ici et là.
Revenons à la publication de The Simones : je souscris à 3000% à leur texte. La sororité, le libre-arbitre de chaque personne, la liberté individuelle et tout simplement la tolérance imposent de ne pas critiquer les choix de chacun(e) lorsque l’on en vient aux choix opérés sur le corps de chacun(e). Cela s’appelle tout bêtement le respect et c’est vraiment le minimum minimorum.
Je souscris à 3000% puisqu’une histoire longue comme un jour sans pain et sans fin (qui a débuté au Néolithique) a mis en place un système où la violence physique et la domination des hommes sur les femmes se sont imposées. Autrement dit, le patriarcat.
La jeunesse est en effet préférable dans un tel système car elle est synonyme de fertilité (même si cela n’a plus lieu d’être). Elle est aussi synonyme de naïveté (pour résumer, c’est tout de même plus simple d’impressionner une femme de 25 ans qu’une femme de 50 ans).
Il est évident que le jeunisme ambiant constitue une pression monumentale sur une population féminine à laquelle on a imposé l’idée d’une désirabilité directement corrélée à la jeunesse corporelle.
J’ose à peine imaginer la force de cette pression sur des artistes dont le corps est un instrument de travail important (qu’il s’agisse de chanteuses, de comédiennes, de danseuses) qui vivent et évoluent sous l’œil public qui n’est pas toujours tendre. Il n’est pas question, il ne sera jamais question de blâmer qui que ce soit – puisqu’encore une fois, chacune est libre de ses choix lorsque l’on en vient à son corps – et qu’en effet, chacune fait ce qu’elle peut avec les moyens du bord.
Pour autant, poussons la réflexion un peu plus loin : une fois que l’on a dit ça, que fait-on ? Soyons pragmatiques et réalistes : se soumettre à des normes sexistes ne fera que perpétuer l’oppression qu’elles supposent.
L’union fait la force, et c’est encore plus vrai à l’ère des réseaux sociaux. Normaliser les rides et la diversité des beautés oblige déjà de plus en plus de marques à s’éloigner des standards de beauté féminine irréels qui avaient encore cours absolument partout il y a cinq ans.
Maintenons la pression. S’il faut mettre en jeu notre porte-monnaie en mettant au rebut les marques qui versent encore et toujours dans des choix contestables (ici, les normes de beauté, mais aussi l’écologie ou les droits des travailleurs de la fast fashion), notre implication par nos petits mots sur Instagram ou Twitter, allons-y : maintenons la pression.
Je paraphrase ici un titre littéraire (féministe, quelle surprise) qui me parle tant : “Ne nous libérez pas, on s’en charge”. Soyons pragmatiques et réalistes, encore : nous, femmes, sommes les seules à pouvoir nous libérer de ce système patriarcal.
Ce qui est triste, c’est que The Simones ont dû fermer les commentaires sous leur publication, parce que cela tournait à la foire d’empoigne d’une rare violence.
Sans pointer aucun joueur, c’est à nous de changer les règles du jeu.
18 février 2022
Robe Etro – Escarpins Dior