SAINT-GERMAIN-EN-LAYE

Même si l’histoire de Saint-Germain-en-Laye remonte au Paléolithique, même si des voies romaines et des traces de peuplement franc ont été découvertes, l’essor de la ville est intimement lié à la construction de son château – qu’on a déjà évoqué ici – dont la matrice est le palatium construit vers 1124 par le roi Louis VI.

Le château ne cessera à partir de cette date d’être agrandi, pillé, brûlé, assiégé, reconstruit et transformé. Saint-Louis y fait construire la Sainte-Chapelle en 1226. Pillé et brûlé pendant la Guerre de Cent Ans, il est reconstruit et transformé en forteresse. Pillé à nouveau, il est occupé par les Anglais de 1417 à 1440. François Ier en fait sa résidence favorite, après l’avoir fait reconstruire – une fois encore – mais cette fois-ci dans le style Renaissance qu’on lui connaît aujourd’hui.

Pourtant, il serait plus juste de dire que la ville de Saint-Germain-en-Laye s’est épanouie en ville royale autour de la construction non pas « du » château mais « des » châteaux. Car il y avait deux châteaux : le Château-Vieux qui vient d’être évoqué et le Château-Neuf dont il ne reste presque plus rien aujourd’hui.

La construction du Château-Neuf débute sous Henri II qui veut en faire la « Maison du Théâtre de la Baignerie » en 1559 mais ne sera achevée que sous le règne d’Henri IV, qui y installe sa Cour vers 1600. L’ensemble est étonnant puisque le Château-Neuf dévale la colline de Saint-Germain haute de 107 mètres pour se terminer en jardins le long de la Seine. De nombreux escaliers permettent d’accéder aux jardins à la française répartis sur cinq terrasses et des grottes sont creusées pour y installer de divertissants automates.

Louis XIII y meurt.

Louis XIV y naît.

Le Château-Neuf en 1637 avec, en arrière-plan, le Château-Vieux – Peinture d’Auguste Guillaumot

Reconstitution du Château-Neuf

La Fronde oblige un très jeune Louis XIV âgé de 11 ans à quitter Paris pour se réfugier avec sa mère dans le Château-Vieux délabré et vide de meubles mais mieux fortifié. Cette nuit du 5 janvier 1649 aura des conséquences durables sur la suite du règne du souverain et sur l’avenir de Saint-Germain-en-Laye : Louis XIV garde une détestation profonde pour le Château-Vieux et peut-être pour la ville elle-même, qui explique la mise en place ultérieure d’un système de courtisanerie asservissant la noblesse et la création ex nihilo du futur Versailles.

Versailles ne sera pas construit en un jour et la Cour de Louis XIV évoluera au Château-Neuf avant de définitivement déserter Saint-Germain-en-Laye pour Versailles en 1682. En attendant, Louis XIV fait aménager par André Le Nôtre la Grande Terrasse et un nouvel escalier à rampes droites est construit en lieu et place de l’escalier en fer à cheval du Château-Neuf.

Suite au départ de la Cour, le Château-Neuf sombre peu à peu dans l’oubli. Louis XVI en fait cadeau à son frère le comte d’Artois qui a pour projet de le démolir pour le reconstruire entièrement. Mais la Révolution arrivant, le Château-Neuf est saisi comme bien national, vendu, démoli et loti en terrains.

Du Château-Neuf, il ne reste presque plus rien, hormis un escalier droit dont j’ignore s’il est d’origine, deux rampes, une terrasse, des murs de soutènement, le pavillon Sully (dit le « pavillon du Jardinier ») et le pavillon Henri IV, reconverti en hôtel-restaurant.

L’escalier droit

La rampe Sud

Le Mur des Lions

Le mur de soutènement de l’une des terrasses

Le pavillon du Jardinier ou pavillon Sully

Pour la petite histoire, la légende veut que deux recettes aient été créées au pavillon Henri IV par le chef Collinet : la sauce béarnaise – ainsi baptisée en l’honneur d’Henri IV – et les pommes de terre soufflées inventées involontairement en 1837 suite au retard du train inaugurant la toute nouvelle ligne de train entre Paris et Saint-Germain-en-Laye, qui transportait la reine Marie-Amélie et qui devait diner au pavillon Henri IV.

Le pavillon Henri IV

Le pavillon Henri IV jouxte la Grande Terrasse dessinée par Le Nôtre entre 1669 et 1673. Elle offre un panorama impressionnant sur l’Ouest parisien et le Mont Valérien derrière lequel on devine la pointe de la Tour Eiffel, à une vingtaine de kilomètres.

Longue de 2 kilomètres 400, la Grande Terrasse rejoint le petit Château du Val perdu dans la forêt de Saint-Germain, qui n’est pas avare de monuments – qu’il s’agisse du pavillon de la Muette, du sentier des Oratoires ponctué de quatre croix historiques et de sept oratoires, ou encore du couvent des Loges fondé en 1644 qui abrite aujourd’hui la maison d’éducation de la Légion d’Honneur.

On peut s’en douter, la ville se développe avec la présence constante de la Cour au(x) château(x).

La place du Marché-Neuf

De fait, les hôtels particuliers sont légion puisque la Cour a longtemps siégé à Saint-Germain-en-Laye jusqu’à son départ pour le château de Versailles.

Hôtel de Madame de Maintenon, l’indigente veuve de Scarron devenue la gouvernante des bâtards royaux de Louis XIV et de Madame de Montespan, devenue l’épouse secrète de Louis XIV, quel destin mes amis, quel destin

Hôtel de la Feuillade

Hôtel de Lauzun, baptisé « hôtel Mademoiselle », en souvenir du passage dans la vie amoureuse du duc de Lauzun de la Grande Mademoiselle, l’impétueuse cousine de Louis XIV

La mairie de Saint-Germain-en-Laye dans l’hôtel de la Rochefoucauld

La rue du Vieil Abreuvoir et l’hôtel de Montausier

L’hôtel de Guise

Le Prieuré abrite aujourd’hui le musée Maurice Denis mais il a été construit sous l’égide de Madame de Montespan, favorite de Louis XIV, afin d’accueillir les indigents dans ce qui était à l’époque l’hôpital général royal de Saint-Germain-en-Laye.

L’église, qui fait face au Château-Vieux a été démolie puis reconstruite en 1824.

Elle abrite le mausolée du roi de Grande-Bretagne, Jacques II, détrôné et exilé à Saint-Germain-en-Laye à partir de 1689 jusqu’à son décès en 1701.

Au pied de l’église se trouve la gare. La ligne Paris-Saint-Germain fut la première ligne ferroviaire mise en service en Île-de-France en 1837. Cependant, en raison de la difficulté technique à faire avancer les trains jusqu’au plateau de Saint-Germain, la première ligne s’arrêtait en bord de Seine à la gare du Pecq (qui n’existe plus aujourd’hui mais dont des vestiges ont été retrouvés récemment). Des berlines transportaient les voyageurs de la gare du Pecq jusqu’aux hauteurs de Saint-Germain-en-Laye.

Le Pecq s’est évidemment développé avec l’arrivée du chemin de fer. Accroché à la colline de Saint-Germain-en-Laye et partiellement construit sur l’assiette du domaine du Château-Neuf, le vieux village est charmant.

La place de l’église du Pecq

Après dix ans d’exploitation, les locomotives devenant plus puissantes, un viaduc enjambant la Seine est construit un peu plus loin, déviant ainsi la ligne dans ses derniers kilomètres, pour passer sous les jardins du château et arriver au pied de l’église et du Château-Vieux.

La mise en service du chemin de fer de Saint-Germain-en-Laye aura provoqué un retentissement immense, particulièrement bénéfique à la ville.

De 1900 à 1921 est mis en service un ascenseur monumental permettant aux promeneurs et cyclistes de gravir sans effort la côte du Pecq, pour arriver sur la Grande Terrasse.

« Ville-au-Bois-Dormant » délaissée par Louis XIV, Saint-Germain-en-Laye connaît avec l’essor du chemin de fer un engouement qui ne s’est pas démenti depuis, et à raison : la ville est absolument charmante.

Le 2 Juin 2023