2022, année de Marilyn Monroe ? Rien n’est moins sûr. Soixante ans après son décès, deux évènements hautement médiatisés mais néanmoins peu glorieux ont ramené l’actrice sous les feux de la rampe.
Premier évènement en date du 2 mai 2022 : Kim Kardashian décide de porter au Met Gala la robe qu’arborait Marilyn le 19 mai 1962 lorsqu’elle souhaitait, sous le feu des caméras du Madison Square Garden de New York, un bon anniversaire à JFK.
Cette robe-là portée ce soir de mai 1962 par cette femme devient le symbole iconique de l’ère Camelot si propre à l’histoire moderne américaine, symbole qui deviendra historique lorsque la femme qui chantait sur scène décèdera quelques semaines après, le 4 août 1962 et lorsque l’homme pour lequel elle chantait – ou devrais-je dire l’homme auquel elle faisait l’amour en chantant d’une voix cassée de désir – décèdera un an et demi après.
Cette robe-là portée ce soir de mai 1962 reflète également un tournant dans la vie de Marilyn Monroe à ce moment-là : en guerre ouverte avec la Fox, elle brave l’interdiction du studio de quitter Los Angeles où se tourne son film et s’envole pour New York. Elle sait d’avance que l’exposition médiatique folle que va susciter son chant dédié au Président des États-Unis la rendra incontournable et empêchera le studio de la congédier.
Cette robe-là portée ce soir de mai 1962 n’est pas une robe de studio, c’est une pièce unique acquise et payée par Marilyn : elle est dessinée par Bob Mackie et conçue par Jean-Louis aux mensurations de Marilyn – à tel point qu’elle est cousue à même le corps – et la couleur du tissu, des sequins et des cristaux est choisie par rapport à la carnation de l’actrice. Bob Mackie et Jean-Louis ont eu à cœur de faire apparaître Marilyn peut-être habillée, mais surtout nue et perlée. Et de fait, sous les lumières aveuglantes du Madison Square Garden, Marilyn apparaît sur scène nue et scintillante, les couleurs de la robe et de la peau se fondant ensemble.
La robe insensée.
Ça ou la nudité, c’eût été pareil.
Et en réalité, non, c’est encore plus indécent.
Cette robe-là portée ce soir de mai 1962 est l’emblème d’une prise d’indépendance, d’une affirmation de soi par une femme intelligente, maîtrisant parfaitement son image et absolument consciente de l’effet que ses apparitions provoquent. Et il ne fait nul doute que son apparition sur scène a été intensément travaillée – qu’il s’agisse du retard qui provoque l’attente et l’envie, de la robe indécente et inoubliable, de la gestuelle qui a été longuement réfléchie comme le montrent les photos des répétitions ou de cette façon si personnelle de chanter devant un amant qu’elle peut imaginer volage et au-delà, devant l’Amérique entière y inclus un studio récalcitrant. Elle pourra toujours mettre sur le compte du champagne bu quelques minutes avant son entrée en scène une prestation jugée a posteriori trop osée.
Pour ces multiples raisons, cette robe-là portée ce soir de mai 1962 est à la fois une pièce très personnelle et une pièce de musée. Préservée pendant de nombreuses années, elle est vendue aux enchères en 2016 à “Ripley Believe It or Not!”, qui n’est pas un musée au sens conventionnel mais qui réunit des objets de la pop culture américaine.
Vieille de soixante ans, d’un tissu délicat et fragile et brodée de sequins et de cristaux, la robe n’aurait jamais du être reportée. N’importe quelle personne ayant approché des textiles anciens connaît leur fragilité et les dommages irréversibles que la sueur, les produits de beauté, la chaleur corporelle, la lumière des flashs supposent. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle de nombreux historiens et professionnels du costume estiment que le port de vêtements historiques est contraire à l’éthique.
Pour autant, “Ripley Believe It or Not!” décide d’accéder à la demande de Kim Kardashian de porter la robe au Met Gala, en contrepartie d’une donation faite à une entité dont le nom n’a pas été dévoilé, au nom de “Ripley Believe It or Not!” (ce qui envoie un signal très inquiétant si l’on pense aux personnes fortunées qui se croiront à l’avenir autorisées à porter des pièces muséales contre espèces sonnantes et trébuchantes).
Et de fait, la robe du 19 mai 1962, qui fait indéniablement partie du patrimoine culturel pop américain, est abimée à tout jamais. Des sequins et des cristaux ont été arrachés, l’ourlet a été piétiné par les talons aiguilles de Kim Kardashian et le fragile tissu a été étiré puisque des personnes armées de gants ont péniblement tenté de passer la robe à une femme sensiblement plus callipyge que sa propriétaire d’origine (ce qui a moyennement marché d’ailleurs, puisque la robe ne ferme pas derrière et c’est d’ailleurs pour cela que Kim Kardashian porte une fourrure blanche à hauteur de ses hanches).
La vision de Kim Kardashian dans la robe de Marilyn a provoqué un tollé chez les conservateurs de musée, les historiens du costume et les fans de Marilyn.
Car n’est pas Marilyn qui veut, pour une bonne et simple raison : Marilyn avait créé un archétype bien spécifique et toutes les personnes qui ont tenté depuis des décennies de s’approprier les codes de son image (cheveux, rouge à lèvres, maquillage, vestiaire, etc) n’auront jamais l’air d’autre chose que déguisées – Kim Kardashian la première.
Cet archétype, fait de contradictions, de mystères et de tragédies rend Marilyn à jamais hypnotisante. Ses rôles ne sont pas spécifiquement marquants et c’est pourtant une très bonne actrice. Souvent en retard sur le plateau de tournage, elle est pourtant totalement dédiée à son art. D’un pouvoir érotique débordant, elle est pourtant enfantine. Retracer sa vie relève de la gageure, tant ses propres déclarations ont parfois été contradictoires sur son enfance et ceux qui ont écrit par la suite sa biographie aboutissent souvent à des conclusions différentes – et je ne parle même pas des circonstances de son décès. La tragédie connaît évidemment un point d’orgue avec sa mort prématurée à 36 ans.
Que ce soit pendant sa vie ou après sa mort, la seule certitude est que Marilyn reste une machine à fric monumentale, qui aura apporté notoriété et fortune à bon nombre de personnes. Pas plus tard qu’en septembre 2022.
Car le second événement dont je souhaitais parler date du 16 septembre 2022 et concerne la mise en ligne sur Netflix du film “Blonde”.
Le film est inspiré du roman du même nom de Joyce Carol Oates, publié en 2000. Là où “Blonde” le livre a l’honnêteté de prévenir le lecteur de la fictionnalisation qu’il va opérer sur la vie de Marilyn Monroe, “Blonde” le film n’en fait rien. De fait, les spectateurs peu au fait de la vie de Marilyn Monroe y verront un reflet de la réalité et la médiatisation du film n’aide en rien puisque le film est baptisé de “biopic”.
Les 2 heures 46 de film sont extrêmement perturbantes pour de multiples raisons.
Certains plans sont gratuits – une tentative d’assassinat par noyade (qui n’a jamais eu lieu) d’une enfant par sa mère, une nudité excessive et sans intérêt quelconque – d’autres sont d’une vulgarité sans nom – un fœtus qui parle, une entrée dans le vagin de cette Marilyn de fiction ou encore une fellation filmée en très très gros plan pendant de très très longues secondes.
Ce n’est pas le plus grave. Les 2 heures 46 de film ne sont finalement dédiées qu’à représenter deux idées majeures : une femme à la santé mentale chancelante qui hurle et qui pleure sans cesse et une femme qui passe d’un prédateur à un autre toute sa vie, qu’il s’agisse de sa mère, du producteur du studio, de ses amants, de son premier mari, de son second mari et du président des États-Unis. “Blonde” dresse le portrait d’une femme folle, victime perpétuelle de violence physique et verbale, de violence domestique, d’agression sexuelle et de viol.
Je l’ai dit plus haut : Marilyn avait réussi à créer un archétype personnel inatteignable par autrui. Le film “Blonde” la ravale à la caricature et cela faisant, reprend parfaitement les codes, éléments de langage et visuels colportés sur l’actrice pendant les années 50, 60, 70, 80 et 90.
J’ai moi-même mis de longues années à comprendre et à apprécier le phénomène Monroe. Je suis née en 1974 et mon éducation par une mère libérale refusait absolument et irrémédiablement ce type d’icônes. Le point n’était pas tant la sexualité débordante de l’actrice aux yeux de ma mère, mais plutôt sa faiblesse supposée de femme victime de sa chair et de sa corporalité. Marilyn n’existait qu’à travers son corps, qu’à travers le regard masculin qu’il provoquait et cette dimension unique à laquelle elle était écrasée ne correspondait pas à l’idée d’une féminité forte, pluridimensionnelle et détachée du regard masculin que ma mère souhaitait m’inculquer.
Les années passant, les biographies et documentaires dédiés à l’actrice, les interviews de son entourage, l’édition de photos inconnues où elle apparaissait au naturel et la publication de ses poèmes, notes et lettres permettaient de recréer de manière impressionniste la vie d’une femme qui avait certes été une enfant abusée et une femme émotionnellement fragile – mais d’une femme qui avait également été joyeuse, travailleuse, curieuse et étonnement forte et déterminée.
Même les nombreux livres dédiés à la résolution du mystère entourant les circonstances de son décès – souvent mauvais ou très mauvais – auront (je crois, j’espère) permis par ricochet à de nombreux lecteurs de s’intéresser à la vie de l’actrice.
Même le roman de Joyce Carol Oates “Blonde” – aussi fictionnel soit-il – aura (je crois, j’espère) également permis par ricochet à de nombreux lecteurs de s’intéresser à la vraie vie de l’actrice et de mieux comprendre la dichotomie entre la petite fille au cœur brisé Norma Jeane Baker et l’incandescente Marilyn Monroe.
Norma Jeane est une enfant de la Grande Dépression américaine. Née en 1926 d’une mère à la santé mentale fragile et d’un père biologique inconnu, elle est mise en famille d’accueil puis en orphelinat lorsque sa mère est internée. Elle échappe à l’orphelinat en se mariant quelques jours après son seizième anniversaire à un gentil garçon qu’elle quitte en 1946 car, après un grand succès en qualité de mannequin, elle est embauchée par la Fox. Cantonnée à des seconds rôles de jolie blonde idiote, la jeune femme qui se fait à présent appeler Marilyn Monroe est peut-être d’origine pauvre et sans éducation, mais elle est loin d’être sotte.
Elle est déterminée à sortir des rôles peu intéressants que le studio lui propose, elle est travailleuse et elle est maline.
Elle qui bégayait travaille tant et si bien sa voix que sa diction devient immédiatement reconnaissable, qu’elle maîtrise parfaitement le tempo comique des comédies auxquelles elle participe et qu’elle enregistre de nombreux disques.
Elle qui ne devait être aux yeux du studio qu’une pâle resucée de Jean Harlow parvient à créer un archétype physique immédiatement identifiable et non duplicable (on se souvient de Marilyn, on se souvient moins, en termes d’image, de Lana Turner qui utilisait presque les mêmes codes). Les cheveux coupés et décolorés, le maquillage blanc sur blanc, les expressions des yeux et de la bouche, la façon de se mouvoir concourent tous à la création de cet archétype féminin unique qui associe humour et sexualité.
Elle qui ne devait être cantonnée qu’à des seconds rôles de blonde idiote ou de bombe sexuelle travaille tant qu’elle apporte à tous ses rôles une subtilité et une profondeur qui n’existent pas sur le papier, au grand dam des réalisateurs auxquels elle demande plusieurs prises en affinant à chaque fois un peu plus sa partition. Elle fait souvent semblant de se tromper dans son texte afin d’y introduire, prise après prise, sa vision du personnage – qui est finalement acceptée par un réalisateur sur les dents et trop heureux d’avoir enfin une prise sans erreur.
C’est grâce à elle que Sugar Kane, dans “Certains l’aiment chaud”, est si émouvante : Billy Wilder avait en tête un rôle de blonde irrémédiablement idiote mais il est indéniable que Marilyn, qui essayait de comprendre pourquoi Sugar Kane est comme elle est, a apporté une profondeur qu’il n’y avait pas dans le scénario.
Elle joue avec ses armes. Elle est parfaitement lucide sur les risques que suppose sa beauté et sait qu’elle doit parfois jouer les idiotes pour se tirer de situations potentiellement dangereuses (des agressions sexuelles comme elle en parle ouvertement dans son texte écrit en 1953 “Wolves I have known”) ou pour modeler ses rôles comme elle l’entend.
Elle joue avec ses armes. Si les réalisateurs qui ont travaillé avec elle l’avaient seulement écoutée lorsqu’elle souhaitait partager ses réflexions sur ses rôles, les crises d’angoisse et les retards n’auraient peut-être pas été si prégnants. Mais puisqu’ils ne l’écoutent pas et la ravalent au simple rang de marchandise rentable, elle retourne la situation à leur détriment en commettant erreur sur erreur et en surjouant le caractère faible, démuni et sot qu’on veut bien lui prêter. C’est elle qui les mène par le bout du nez finalement – et même si certains sont sur les dents pendant le tournage – tous louent son talent et son génie de la caméra.
En 1955, elle prend le risque de partir à New York pour suivre les cours de l’Actors Studio et approfondir son jeu – ce qui était déjà en tant que tel une déclaration de guerre au système des studios. Pire, elle créé la même année sa propre société de production “Marilyn Monroe Productions”. Du jamais vu pour une femme, pour une femme de cette notoriété, pour une femme de cette notoriété sous contrat avec un studio.
Elle lit intensément et écrit frénétiquement. Elle se bâtit l’éducation qu’elle n’a pas reçue enfant.
Elle puise en permanence en elle-même l’authenticité qui viendra nourrir son jeu. De fait, elle est capable d’endosser des rôles de femme fatale (“Niagara”), des rôles comiques (“Sept Ans de Réflexion”, “Certains l’aiment chaud”, “les Hommes préfèrent les Blondes” et j’en passe) et des rôles dramatiques (“Les Désaxés”). Puiser aussi profondément dans ses traumas ne va pas sans risque pour sa santé mentale, et elle doit bien en être consciente puisqu’elle a le courage de se faire suivre dès 1955, ce qui ne devait pas être très commun à l’époque.
Elle est indéniablement talentueuse, travailleuse et courageuse. Hélas son succès ne lui profitera guère.
On la regarde mais on ne la voit pas et on l’écoute encore moins. Pour revenir à ce fameux 19 mai 1962 au Madison Square Garden, on oublie que Marilyn Monroe était là pour apporter son soutien de célébrité à la cause politique du parti démocrate. La postérité ne garde que l’image de cette femme en train de chanter mais il y a bien un discours où Marilyn exprime sa gratitude au Président des États-Unis pour soutenir la levée de fonds à laquelle la soirée est dédiée.
On la regarde mais on ne la voit pas et on l’écoute encore moins. Elle se voit obligée d’entrer en guerre ouverte avec la Fox car elle est payée depuis des années au lance-pierre par le studio et que ses demandes de renégociation restent lettre morte.
Elle meurt dans des circonstances qui ne seront probablement jamais élucidées, à l’issue de la bataille qu’elle mène contre la Fox et qu’elle vient tout juste de gagner. En attendant, elle aura été exploitée par le studio qui ne lui aura jamais laissé l’opportunité d’amasser une fortune personnelle. Elle aura été frappée par son premier mari, elle aura été manipulée par des psys qui perdront souvent de vue son bien-être de patiente, elle aura été trahie par son second mari qui rédigera le scénario cruel des “Désaxés” et la pièce encore plus cruelle “After The Fall”.
Après son décès, les photos qu’elle avait elle-même écartées et barrées d’une croix orange sont publiées et ornent même la couverture de certaines biographies, assurant la notoriété et la fortune du photographe qui les a prises, Bert Stern.
Cette femme n’aura jamais cessé d’être exploitée, pendant sa vie et bien après son décès.
La ligne est fine entre hommage et opportunisme mais elle existe bel et bien. Et j’en reviens à Kim Kardashian et à Andrew Dominik qui a réalisé “Blonde”.
Le film aborde la fragilité émotionnelle de l’actrice (qui est incontestable) mais il eu été tellement simple et enrichissant d’aborder également en 2 heures 46 de film les joies et les succès d’une personnalité complexe qui ne peut en aucun cas être réduite à une caricature de bombe sexuelle à la santé mentale chancelante.
Contrairement à ce qu’a pu dire Andrew Dominik en interview, “Les Hommes préfèrent les Blondes” ne se résume pas à une “histoire de putes bien habillées” et beaucoup de personnes visionnent encore les films de Marilyn – tout simplement parce qu’il s’agit souvent de classiques et tout simplement parce qu’elle y est brillante.
Si Andrew Dominik souhaitait réaliser un film sur la dichotomie entre Norma Jeane et Marilyn ou sur les traumas d’enfance qui empoisonnent toute une vie, sa réalisation est grossière et vulgaire.
Si Andrew Dominik souhaitait dénoncer le caractère dévorant de la célébrité ou l’exploitation d’une femme par un système de studios, son film l’en rend complice et pire, nous en rend complices. Dénoncer l’exploitation et ne rien montrer des combats de Marilyn est à un message biaisé au mieux, malhonnête au pire.
Tourner dans la maison et la chambre même où l’actrice est décédée en 1962 et dire, comme Ana de Armas que le fantôme de Marilyn flottait sur la scène de tournage relève d’un manque de respect et d’une exploitation crasse de la mémoire de l’actrice. Je suis la première à croire au monde invisible, mais convoquer l’esprit de Marilyn sur la scène de tournage d’un film fictionnel basé lui-même sur un roman fictionnel lui-même inspiré de sa vie est insultant pour sa mémoire et pour notre intelligence.
Marilyn avait créé un archétype, Andrew Dominik la ravale à la caricature qu’on a bien voulu en faire depuis plus de soixante ans et qui avait encore cours il y a vingt ans. Si des Françaises comme ma mère ou moi ont pu faire leur révolution ces vingt dernières années au sujet de Marilyn, Andrew Dominik, qui a porté son projet de film plus de dix ans, aurait probablement pu faire de même.
Pour finir, je ne peux qu’inciter chacun à voir ou revoir les grands classiques dans lesquels Marilyn joue.
“Sept ans de Réflexion” et “Les Hommes préfèrent les Blondes” sont, sous couvert de comédies légères, des peintures au vitriol de l’hypocrisie de la société américaine et “Certains l’aiment chaud” porte l’idée d’un amour qui peut connaître toutes les formes. “Niagara” est un petit bijou du film noir américain.
“Les Désaxés”, qui date de 1961, est à mes yeux le film où Marilyn est la plus émouvante, car la plus à nu émotionnellement. On a beaucoup glosé sur la malédiction qui a pesé sur ce film et que l’on a longtemps imputée au caractère erratique de Marilyn. C’est aller un peu vite en besogne et oublier que le scénariste, qui n’était autre que le mari de l’actrice – j’ai nommé Arthur Miller – réécrivait sans cesse les dialogues pour transformer ce qui était au début un hommage à sa femme en charge cruelle et limpide contre celle-ci. C’est oublier également que le réalisateur John Huston se noyait dans l’alcool et le jeu toutes les nuits, que Clark Gable avait des problèmes cardiaques qui lui interdisaient de boire et de fumer et que Montgomery Clift était encore plus brisé que Marilyn. Malgré ces difficultés ou grâce à elles, je ne sais, “Les Désaxés” suscite l’émotion et reste longtemps en tête. L’un des derniers plans où Roslyn hurle dans le désert sans qu’on la voie vraiment est peut-être l’une des seules fois où Marilyn est entendue plutôt que d’être vue. Et c’est poignant.
Il n’y aura pas de perruque blonde sur les photos qui suivent – j’aurais l’air déguisé en Marilyn alors que je souhaite justement éviter de la caricaturer pour plutôt lui rendre hommage. Me voici donc dans l’une de ses activités préférées : la lecture.
Et en parlant de lecture, je ne peux qu’inciter chacun à lire les très bons ou très beaux ouvrages de photographies publiés au sujet de l’actrice. Les très bons ouvrages incluent “Monroerama” qui est un livre thématique génial ou encore la biographie de Donald Spoto et excluent absolument et définitivement les œuvres commises par Anthony Summers, Robert Slatzer ou Don Wolfe. Les très beaux ouvrages de photographies incluent par exemple celui d’André de Dienes et excluent absolument et définitivement l’ouvrage de Bert Stern et de Norman Mailer, qui ont bien capitalisé sur l’actrice défunte – en allant raconter des conneries au passage.
Enfin, “Blonde” le livre fictionnel évoqué plus haut devrait presque, au-delà de son préambule sur le caractère fictionnel du roman, conseiller au lecteur profane de cesser la poursuite du roman, car sa lecture est tellement hypnotisante et vénéneuse que celui qui ne connaît rien de la vie de Marilyn pourrait se laisser ensorceler par la musique de Joyce Carol Oates et y voir la vérité – alors qu’il n’en est rien. Il en va enfin de même avec le roman de Michel Schneider “Marilyn Monroe, dernières séances”. L’auteur, comme Joyce Carol Oates, prévient son lectorat qu’il s’agit d’une œuvre fictionnelle mais il s’inspire des légendaires “enregistrements Miner”, qui n’ont finalement jamais existé.
“I’m alone
I’m always alone
No matter what”
“Oh damn I wish that I were dead
Absolutely nonexistent
Gone away from here
From everywhere but how would I”
Blouse vintage Chloé – Pantalon sarouel Vionnet – Ballerines Repetto
Le 7 Octobre 2022