LES TENDANCES

Force est de constater que les réseaux sociaux – principalement Instagram – accélèrent les tendances mode (je vous rappelle que le style reste, la mode non).

Après la tendance “French Clean Girl”, la tendance “Old Money”, voici donc venue en cet hiver 2023-2024 la tendance “Mob Wife” (“femme de mafieux” ou “femme mafieuse” ou “femme de la mafia” – c’est étonnant de romantiser et de glamouriser un phénomène mortifère et négatif, mais c’est encore un autre débat), qui s’adapte parfaitement aux saisons froides car elle suppose un maquillage appuyé, du bling, du cuir et surtout de la fourrure, beaucoup de fourrure. Il semblerait que l’inspiration de cette nouvelle tendance sortie d’on ne sait où (à moins qu’on le sache : ce sont bientôt les 25 ans de la série des Sopranos) soit Sharon Stone dans son rôle de Ginger dans le film “Casino” de 1995 de Martin Scorsese.

Les observateurs de la planète mode s’inquiètent du fait que la tendance “Mob Wife” relance la consommation de fourrure par les femmes qui souhaitent s’approprier cette tendance, ce qui représente un sacré retournement de situation pour un marché de la fourrure qui fait l’objet depuis quelques années d’un bannissement progressif et inéluctable.

Sur les réseaux, le débat fait rage à savoir s’il faut porter de la vraie fourrure – récente ou vintage – ou de la fausse fourrure.

Vaste débat que j’avais déjà évoqué ici en 2017.

L’argument majeur militant en faveur de la fausse fourrure est évidemment la protection des espèces animales concernées, et avec du recul, le fait que 85% des fourrures proviennent d’animaux d’élevage ressemble à de la cruauté organisée puisqu’ils ne sont élevés que pour être tués. Certains ne sont élevés et tués que pour leur fourrure, alors que d’autres sont tués pour leur fourrure et pour d’autres parties de leur corps (je pense par exemple aux lapins, dont la chair est consommée et dont la fourrure est également utilisée). En 2024, ce n’est tout de même pas très satisfaisant lorsque l’on essaye de vivre de manière raisonnée.

Pour autant, la fausse fourrure n’offre pas, à mes yeux, une alternative satisfaisante.

Le nylon, l’acrylique et le polyester nécessaires à la fabrication de fausse fourrure sont faits de pétrole non-renouvelable. Ces fibres synthétiques prendront entre 500 et mille ans pour se dégrader, ce qui n’est pas non plus très satisfaisant dans le cadre d’une consommation raisonnée.

Quelle est la solution pour échapper à cette boucle mortifère ?

Si l’on veut porter de la fourrure – ce qui n’a rien d’obligatoire, entendons-nous bien car les personnes vivant dans des zones arctiques ne sont tout de même pas légion), il me semble que la vraie fourrure vintage est la meilleure alternative à ce jour.

La vraie fourrure vintage a l’avantage de ne pas cautionner la mise sur le marché de nouveaux vêtements dont nous n’avons absolument pas besoin et qui, dans le cas plus spécifique de la fourrure, participent à une boucle cruelle et mortifère sans fin.

La vraie fourrure vintage a l’avantage, contrairement à la fausse fourrure, de ne pas créer de nouveaux désastres écologiques (qui mettront des siècles à se résorber) et sociologiques (avec des personnes qui doivent manipuler des dérivés de pétrole et des teintures chimiques pour créer de la fausse fourrure).

La vraie fourrure vintage offre l’avantage de la durabilité, car elle passe d’une génération à une autre, que ce soit dans une même famille, sur une plateforme de seconde main ou dans une friperie.

Au-delà de cette quadrature du cercle entre vraie et fausse fourrure, deux réflexions ici :

Certaines personnes se permettent sur les réseaux de conspuer certaines autres qui ont décidé de porter de la vraie fourrure (sans savoir s’il s’agit de fourrure vintage ou récente), en les traitant d’assassins (rien de moins – ça m’est arrivé lorsque je postais régulièrement sur Instagram, c’était dans une autre vie).

Comme j’aime la cohérence – qui est la chose la plus compliquée à atteindre dans une vie lorsque l’on essaye d’accorder chaque acte avec chaque opinion – je n’accepte en ce qui me concerne ce type de réflexion que de la part de personnes qui ne consomment absolument aucun animal, que ce soit dans l’assiette, aux pieds ou au bout du bras.

Lorsque vous achetez un sac ou des chaussures en cuir, vous ne faites rien d’autre que de porter la dépouille d’un animal mort aux pieds ou à bout de bras. Lorsque vous mangez de la viande ou du poisson, vous ne faites rien d’autre que de consommer la chair d’un animal.

Nous sommes tous ou presque les consommateurs (j’allais dire les victimes) de chaines industrielles car la mode ou l’agro-alimentaire ne sont rien d’autre que des industries qui ne sont là que pour nous faire consommer.

Certains ont la force de conviction – la cohérence de conviction – de refuser de consommer d’autres espèces animales, que ce soit au bras, aux pieds ou dans l’estomac, et j’admire – vraiment – cette force de conviction. Pour les autres, qu’ils aillent bien se faire crucifier ailleurs lorsqu’ils critiquent le port de vraie fourrure alors qu’eux-mêmes consomment d’une manière ou d’une autre d’autres animaux sans même sans rendre compte.

Seconde réflexion : les tendance mode sont faites pour des personnes qui ne sont pas encore trouvées ou qui sont un peu perdues, et qui sont le coeur de cible d’industries qui n’ont rien de caritatives. Passer de la tendance “French Clean Girl” à la tendance “Old Money”, à la tendance “Mob Wife” dénote d’un manque de réflexion sur soi-même qui, en parallèle, résonne parfaitement avec le débat “style versus mode”. L’industrie de la mode n’est là que pour profiter de ce manque de réflexion personnelle afin de vendre plus, encore et toujours.

En bref, la mode tire profit des âmes perdues. La succession de ces tendances ressemble presque à du costume ou à du cosplay – ce qui est dans tous les cas bien éloigné de la construction d’un style purement personnel.

Ce ne serait pas un souci si cette errance personnelle n’engendrait pas une surconsommation saisonnière dont la planète pourrait largement se passer.

NDLR. Pour illustrer cet article, je vous propose donc une vraie fourrure, achetée il y a dix ans en seconde main – comme la robe d’ailleurs. Je n’achète plus de fourrure depuis 8 ou 9 ans, je n’y ai plus goût pout toutes les raisons évoquées ci-dessus. J’ai donné beaucoup de pièces à mon entourage, et ai gardé trois manteaux et deux vestes (ce qui fait encore beaucoup) de mes achats de jeunesse. J’ai choisi ici la pièce la plus ébouriffante. Est-ce que je ressemble pour autant à Ginger ? Non, toujours pas.

Le 2 Février 2024

Manteau Fendi – Robe et sac Christian Dior – Escarpins Christian Louboutin – Gants vintage