Evoquons le film préféré de Vivien Leigh : “Waterloo Bridge”. On notera au passage l’ironie de la vie qui me fait célébrer – moi, française – un film dont le nom évoque l’une des plus cuisantes défaites de l’armée napoléonienne – ironie que j’ai savourée de nombreuses fois lorsque l’Eurostar m’amenait à Londres – via Waterloo Station. L’Eurostar arrive maintenant à Saint Pancras, la saveur est différente – et plus neutre.
Bref. Revenons à “Waterloo Bridge”. Ce film, sorti en 1940, réalisé par Mervyn LeRoy, réunit Vivien Leigh et Robert Taylor dans un remake d’un film de 1931.
Alors que la Grande-Bretagne vient d’entrer dans la Seconde Guerre Mondiale, le colonel Roy Cronin (interprété par Robert Taylor), qui doit atteindre Waterloo Station pour rejoindre la France, est submergé par les souvenirs lorsqu’il traverse le pont de Waterloo.
Plus d’une vingtaine d’années auparavant, il y avait rencontré Myra (Vivien Leigh) qui fuyait comme lui les dangers d’un raid aérien pendant la Première Guerre Mondiale. Le coup de foudre avait été immédiat. Myra, ballerine, avait invité Roy à assister à la représentation du ballet dans lequel elle se produisait le soir même, ce qu’avait fait Roy en négligeant un rendez-vous professionnel. Myra, dont la troupe était sévèrement tenue par Madame Olga qui souhaitait des danseuses à la moralité impeccable, se faisait bientôt renvoyée car elle persistait dans son désir d’entretenir une relation avec Roy. Les jeunes tourtereaux avaient décidé de se marier mais la guerre avait appelé Roy au front avant que la cérémonie puisse avoir lieu.
Et Myra lisait bientôt dans le journal qu’il était porté disparu. Même si Roy avait confié sa bien-aimée aux soins d’une famille aisée qui l’adorait, Myra, nativement fière, avait disparu, comme engloutie par la ville.
Jusqu’au jour où le destin l’avait remise face à face avec Roy, qui était en réalité bien vivant. Hélas, Myra portait un nouveau fardeau.
Comme je l’évoquais, “Waterloo Bridge” était le film préféré de Vivien Leigh, cette immense comédienne qui a autant joué au théâtre qu’au cinéma. On pourrait en être étonné, vu la diversité et la profondeur de chacun de ses rôles. Elle reste, pour le commun des mortels l’irrésistible et agaçante Scarlett d’“Autant en Emporte le Vent” ou la fragile et désaxée Blanche d’“Un Tramway Nommé Désir”.
Dans “Waterloo Bridge”, son visage et son regard sont d’une éloquence rare – j’en veux pour preuve la scène à Waterloo Station, où son regard aguicheur passe en une nano-seconde à un regard stupéfait lorsque son personnage se rend compte que l’homme de sa vie et bel et bien vivant.
Vivien Leigh s’est-elle abimée dans ses rôles ? Très probablement. D’une sensibilité suraigüe, elle se jetait et se brûlait dans ses rôles, ne faisant qu’accentuer une bipolarité qui n’était absolument pas diagnostiquée à l’époque.
Le film capitalise avec intelligence sur le succès de “Autant en Emporte le Vent”, sorti l’année précédente. Il ne s’agit pour autant pas d’une simple bluette sentimentale.
L’évocation du classisme, de la prostitution et du suicide n’est pas, pour l’époque, chose aisée et l’histoire de Myra – pour laquelle le spectateur ne peut avoir que de l’empathie – qui se heurte dans toute sa fraicheur à la dureté de la vie, est affreusement émouvante.
NDLR. Les costumes du film ne sont guère adaptés – ils sont années 40/50 alors que la plus grande partie de l’action se déroule pendant la Première Guerre Mondiale et on ne reconnaît guère le vrai pont de Waterloo (qui n’a absolument aucun intérêt) – mais ce n’est pas bien grave, le film reste un petit bijou.
NDLR 2. Le film n’a pas été tourné sur le vrai pont de Waterloo, mais aux studios californiens de la MGM. Le vrai pont n’a d’ailleurs aucun intérêt.
Imperméable Burberry – Robe Dior – Escarpins Gucci – Sac à main YSL – Lunettes de soleil Face À Face – Photos par Mehran Nori / Mraxparis
Le 17 Novembre 2023