Le musée Mucha réunit de nombreuses oeuvres de celui qui aura réussi à ériger l’affiche publicitaire en art : Alfons Mucha.
Né en 1860 en Moravie, celui que son père voyait greffier de tribunal connaitra un succès foudroyant à Paris, dans la mouvance de l’Art Nouveau.
Sa candidature a beau être rejetée par l’Académie des Beaux-Arts de Prague (“choisissez une autre profession où vous serez plus utile”), Mucha émigre à Vienne afin de travailler avec la plus grande entreprise de décors de théatre de la ville. Il rencontre son plus grand mécène, le comte Khuen Belasi qui lui passe plusieurs commandes pour son château à Emmahof puis le frère de celui-ci, Egon Khuen Belasi.
Mucha se rend ensuite à Paris, en 1887, où la fortune, sans qu’il le sache, l’attend. Illustrateur pour les magazines, il est embauché par la première maison d’édition parisienne, Armand Colin. Mais son succès est dû au plus grand des hasards.
Mucha, qui est de passage chez un ami imprimeur, entend Sarah Bernhardt demander audit imprimeur une affiche pour son nouveau spectacle « Gismonda ». Seul artiste présent à Paris pendant les vacances de Noël, Mucha relève le 24 décembre 1894 le défi de créer une affiche pour la célèbre artiste française, pour couvrir dès le 1er janvier 1895 Paris d’affiches la représentant grandeur nature.
Affiche de Gismonda pour Sarah Bernhardt
La renommée de Mucha est faite. Les affiches s’arrachent, au sens littéral du terme. Et Sarah Bernhardt, qui a bon goût et le nez fin, l’embauche pour six ans.
Celui qui sera considéré comme le fondateur de l’art publicitaire représente des femmes idéalisées aux longs cheveux flottants, entourées de fleurs et de végétaux, sur des formats étroits et grandeur nature qui rassemblent halos et courbures.
Alfons Mucha créé un style décoratif qui s’inspire d’une grande variété de motifs ornementaux – japonais, celtiques, islamiques, grecs, gothiques et rococo – mais ses racines slaves restent toutefois indissociables de son travail. Certains éléments traditionnels de son pays d’origine apparaissent, qu’il s’agisse de robes, de fleurs ou de motifs botaniques inspirés de l’art et de l’artisanat populaire moraves. Les halos, très présents, rappellent les icônes byzantines (l’art byzantin est pour Alfons Mucha est au coeur de la civilisation slave).
L’œuvre de sa vie, c’est l »Epopée slave », un projet monumental de vingt tableaux illustrant des épisodes de l’histoire du monde slave, dont dix scènes de l’histoire tchèque. Il a besoin d’argent et peine à trouver un sponsor. C’est finalement aux Etats-Unis qu’il trouve en Charles Richard Crane, un homme d’affaires slavophile, son mécène. Rentré dans son pays en 1910, il travaille pendant quinze ans à ces toiles monumentales de 8 mètres sur 6. Dans sa phase tchèque, on reconnait le style de Mucha mais il s’est fait plus sobre, moins lumineux. La grande famine en Russie en 1921 lui inspire un tableau tragique où une mère porte son enfant mourant. La montée du nazisme l’inquiète. A raison.
Le chantre de l’Art Nouveau, resté dévoué à sa patrie et à l’identité slave, entre dans le collimateur de la Gestapo. Lorsque les troupes allemandes font leur entrée à Prague en 1939, l’illustrateur est rapidement arrêté par la Gestapo. Il est relâché pour cause de santé fragile mais décède quelques temps après d’une pneumonie.
En attendant, il aura laissé une trace indélébile de l’Art Nouveau en Europe. Tout le monde connaît Mucha, même sans le connaître. Ses figures féminines sont aériennes, poétiques. L’harmonie règne partout. Faire de l’affiche un art, c’est tout de même fort.
Le 21 Avril 2023