“Nightmare Alley”, le film du réalisateur mexicain Guillermo del Toro, sorti en 2021 a fait un vrai flop au box-office et c’est bien dommage.
Remake du film noir de 1947 “Le Charlatan” mettant en scène Tyrone Power, “Nightmare Alley” met en scène Bradley Cooper dans le rôle de Stan Carlisle, un homme au passé sombre qui croise par hasard la route de forains dans l’Amérique des années 30.
Embauché comme homme à tout faire par Clem, le propriétaire de la foire (joué par Willem Dafoe), Stan apprend peu à peu les ficelles du boniment qui permet de soutirer quelques pièces au public. Il rencontre le monstre de la foire, un pauvre hère que Clem fait vivre dans une cage en l’assommant d’alcool. Il rencontre également la lumineuse Molly (interprétée par Rooney Mara) qui tombe rapidement amoureuse de lui.
Stan se lie d’amitié avec un couple bienveillant, Pete (David Strathairn) et son épouse Zeena (jouée par Toni Collette). Ils lui enseignent l’art de la fausse télépathie, qui, sur la base d’un ingénieux langage codé entre le maître et l’assistant, permet de donner l’illusion que le maître a de réels pouvoirs de télépathie. La fausse télépathie ne connaît qu’un seul interdit, jugé trop amoral, trop dangereux : se présenter comme un médium pouvant communiquer avec les morts.
Pete décède dans des circonstances non élucidées et Stan, dévoré d’ambition depuis longtemps, en profite pour quitter la misère de la foire et du freak show pour tenter sa chance en ville. Il reprend le numéro de Pete et Zeena et connaît rapidement le succès sur les scènes de l’Etat de New York, grâce à la complicité de Molly, devenue son épouse et son assistante.
Stan pourrait se contenter de ce succès mais il n’en est rien. Lorsqu’il rencontre la glaciale Lilith Ritter (interprétée par Cate Blanchett), une psychologue dont la clientèle est constituée de la haute-société new-yorkaise, Stan y voit une nouvelle opportunité d’ascension.
Devenus amants, Lilith et Stan arnaquent les patients de la psychologue : en exploitant les nombreuses informations que Lilith recueille lors de ses séances de psychanalyse, Stan pousse un peu plus loin l’art de la fausse télépathie et prétend communiquer avec les morts, ce qui lui assure fortune et gloire.
Pourtant, la manipulation et le mensonge rôdent partout. Ivre de son succès, Stan ignore tous les dangers, ne connaît plus de limite et prétend même pouvoir faire revenir les morts.
Sa chute sera à la mesure de sa gloire.
“Nightmare Alley” est un conte cruel sur la noirceur de l’humanité, sur l’égoïsme et l’égotisme qui ronge le coeur des hommes.
Les seules personnes un tantinet bienveillantes (Pete et Zeena) ou animées par l’amour (Molly) meurent ou meurent de douleur.
Les personnages au coeur noir (Stan, Clem et Lilith) exploitent leurs congénères (qui ne sont pas forcément mieux qu’eux, d’ailleurs) sans une once d’humanité. Le regret et le remords sont absolument absents de leurs coeurs et leur manipulation permanente d’autrui leur assure une mainmise totale sur leur petit monde. Chacun d’entre eux exploitent la misère humaine selon ses procédés propres : Clem utilise l’alcool pour asservir ses monstres de foire, alors que Stan et Lilith manipulent la douleur de ceux qui les écoutent.
Stan a quelque chose d’Harry Powell, le prédicateur qui endort et divertit l’attention de ses proies dans “La Nuit du Chasseur” – le film noir et glaçant de Charles Laughton sorti en 1955. Ils camouflent tous deux leur noirceur derrière une rondeur et une sympathie de façade, alors que Lilith se retranche derrière une froideur toute professionnelle.
Le film, dans des tons noirs et ocres, est d’une beauté hypnotisante. Les costumes et les décors – qu’il s’agisse de la foire ou d’intérieurs Art Déco – sont magnifiques. L’ensemble traduit parfaitement la lourdeur de l’atmosphère et les codes du film noir sont respectés : la nuit environne souvent les personnages et la femme fatale est réellement létale.
Pour autant, ce film néo-noir connaît une conclusion un peu plus subtile, humaine (ou inhumaine, c’est selon) que la majorité des films noirs qui s’achèvent souvent dans les coups de feu. Il n’est question ici que de cercles, de spirales, de cycles et de symbolisme.
“Nightmare Alley” est peut-être un peu long mais sa dernière scène, qui ne tient que sur le visage de Bradley Cooper, est absolument saisissante et donne tout son sens aux scènes précédentes.
Veste Massimo Dutti – Veste sans manches Ralph Lauren – Pull Monoprix – Pantalon Louis Vuitton – Sac à main Prada – Lunettes de soleil Waiting For The Sun – Chaussures Fratelli Rossetti – Chapeau Hartwood
Le 14 Avril 2023