IN THE MOOD FOR LOVE

“In the Mood for Love”, le film irréel et suspendu réalisé par Wong Kar-wai en 1999, réunit dans le Hong-Kong des années 1960 Madame Chan (interprétée par Maggie Cheung) et Monsieur Chow (incarné par Tony Leung, qui recevra d’ailleurs le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes en 2000).

Le film est étonnamment onirique, alors qu’il s’inscrit dans le quotidien très réel et pas du tout glamour du Hong-Kong des années 60, dont Wong Kar-wai a gardé une grande nostalgie. Il y a en effet vécu enfant, lorsque ses parents fuyant le communisme, s’y sont installés. De cette enfance dont le souvenir reste idyllique, Wong Kar-wai retranscrit la promiscuité et les foyers imbriqués les uns dans les autres (mais donc aussi la chaleur humaine), les couleurs chaudes (tellement illustratives de la vie et des passions qui animent chacun, pourtant si policé), le regard bienveillant mais intrusif des voisins, parfait symbole de la pression sociale qui pèse sur les protagonistes et qui étouffe en son sein la naissance d’un amour à peine esquissé.

Car, lorsque l’on en vient à l’intime, la patte de Wong Kar-wai est légère et délicate : les sentiments sont effectivement esquissés, à la manière d’une toile impressionniste – et c’est bien là où réside tout le talent subtil de ce réalisateur de génie, qui sublime une histoire d’amour par le seul jeu des corps, des regards et des non-dits.

Madame Chan et Monsieur Chow, qui ne se connaissent absolument pas, s’installent le même jour au même étage d’un immeuble de Hong-Kong, en louant chacun une chambre chez l’habitant. Leurs époux respectifs sont souvent absents pour raisons professionnelles, ce qui les laisse désœuvrés et quelque peu abandonnés à eux-mêmes. Au début simplement courtois l’un envers l’autre, Madame Chan et Monsieur Chow se rapprochent et conjuguent ensemble leurs malheurs lorsqu’ils comprennent que leur époux respectifs entretiennent une liaison adultérine.

De prime abord malheureux de l’infidélité de leurs conjoints, Madame Chan et Monsieur Chow deviennent peu à peu amoureux l’un de l’autre. Vivront-ils pour autant cette histoire d’amour – leur retenue, le poids de la pression sociale les en empêchant ?

“In the Mood for Love” est une valse lente entre deux corps et deux âmes qui se frôlent, qui se cherchent et qui s’esquivent. A ce titre, les scènes dans les escaliers étroits où les deux corps se tordent pour ne pas se frôler, alors même qu’ils en ont très certainement envie, sont des merveilles de géométrie et de non-dits.

Cette valse lente devient hypnotique car l’on devine le flot des sentiments tus derrière les visages empreints de politesse et d’éducation de Monsieur Chow et de Madame Chan (qui ne sourira qu’une fois, mais des années après puisque l’histoire se déroule sur plusieurs années).

Le poids sociétal des années 60 est peut-être – au-delà de Madame Chang et de Monsieur Chow – le troisième protagoniste de l’histoire.

A ce titre, la situation de Madame Chan, qui se veut l’épouse parfaite, la femme accomplie dans tous les domaines qui lui sont ouverts, est terriblement émouvante. Elle navigue entre volonté d’accomplissement émotionnel et volonté d’accomplissement social. Elle est parfaitement lucide sur les compromissions professionnelles que comporte son poste (elle est l’assistante ultra-professionnelle qui couvre son patron qui a une double vie amoureuse) et qui ne sont que le triste miroir de sa situation conjugale.

Maggie Cheung est parfaite de noblesse, de retenue, de politesse, de compétence professionnelle – les cols très hauts des robes qipao qu’elle porte lui confère d’ailleurs une allure absolument altière (et je veux toutes ses robes).

A ce titre encore, la dernière scène qui voit Monsieur Chow délivrer le secret de son cœur aux pierres du temple d’Angkor est terriblement émouvante et me rappelle une phrase d’André Malraux : “la vérité d’un homme, c’est d’abord ce qu’il cache”.

Le film est absolument hypnotique car on aimerait voir à chaque seconde ces deux âmes en peine trouver sérénité et la paix.

Mais c’est là où réside tout le charme de “In the Mood for Love” : le charme de tout ce qui aurait pu être et qui ne sera jamais.

Le 17 Mars 2023

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