Au risque de me répéter, une séance-photo n’a strictement rien à voir avec la vraie vie. L’ADN d’une photo est de mettre en avant une ambiance, un décor, une posture ou une expression afin d’accentuer et de faire passer le message sous-jacent. Le résultat est souvent probant lorsque des professionnels sont à la manœuvre, il l’est beaucoup moins lorsque l’on en vient à moi.
Ainsi, lors d’une séance-photo venant illustrer le film “La La Land”, chantonner et prendre des postures outrées censées représenter le glamour hollywoodien me semblent la meilleure chose à faire – mais c’est évidemment totalement raté.
Car il faut parler des postures. Qui dit posture, dit angle. Pour que l’angle soit bon, il faut parfois sacrifier son confort. Ce qui est le cas lorsque l’on s’assoit d’un bout de fesse sur une clôture métallique, avec une jambe pour seul appui. Ceci explique pourquoi je suis aussi penchée que la tour de Pise sur certaines photos.
Dans un autre registre, si vous pensez que mes petits-déjeuners sont faits de lectures en kimono et de pains au chocolat, vous vous trompez. Le matin, je bois dix litres de café et je mange mes emails Outlook, tout ça avec le cheveu en l’air et l’œil bouffi.
Les grimaces ne sont jamais très loin, avant que je me regroupe.
La cigarette n’est jamais très loin non plus, surtout lorsqu’il s’agit de prendre des photos venant illustrer un article sur le film “Gilda”. Fumer frénétiquement devant l’appareil photo qui doit capturer le bon moment (c’est-à-dire le moment où l’on souffle de manière gracieuse la fumée) est une gageure, même pour la fumeuse que je suis.
Il faut dire que cette séance-photo fut épique : je souhaitais prendre en photo deux tenues devant l’Opéra Comique : une robe de tulle complètement transparente qui nécessitait un raccord quasi-permanent des bretelles pour cacher les tétons et une robe longue noire bien plus simple pour “Gilda”.
Je comptais faire le changement de tenue dans la rue, et le choix de l’heure – 23 heures – n’y était pas pour rien.
Mais la vie s’en mêle, comme toujours et rien ne va comme prévu, comme toujours.
Nous arrivons sur la place de l’Opéra Comique, déjà occupée par deux SDF bien éméchés qui refont le monde de manière fort animée.
Pourquoi pas.
Je fais la sotte avec ma robe en tulle et je rajuste sans cesse mes bretelles, lorsque vient le moment où il faut se changer.
Il devient assez rapidement évident que cela ne va pas se faire sur la place. Je cherche un café où me changer mais il est maintenant près de minuit et le seul endroit encore ouvert est un bar mexicain qui m’accueille moi, mon tulle bouillonnant et Cedric mon photographe de manière fort chaleureuse. Nous commandons la meilleure margarita de ma vie. Je me change et nous retournons place de l’Opéra Comique mais la margarita commence à faire effet.
Il faut être honnête, c’est une “Gilda” pompette qui apparaît en photo jusqu’au moment où Cedric dit d’un ton péremptoire “bon on arrête, je t’ai complètement perdue”.
Il est beau, l’envers du décor, tiens.
Le 5 Décembre 2022