EXPOSITION – SCHIAPARELLI

Une artiste dont le vêtement était le moyen d’expression : voilà ce qu’était Elsa Schiaparelli. Sa grande rivale – j’ai nommé Gabrielle Chanel – n’était peut-être pas plus technicienne de la couture que “l’Italienne”, mais il faut bien avouer que chacune est glorieusement allée vers son idée du vêtement.

Beaucoup oppose les deux femmes : alors que Chanel brûle d’un désir de revanche sur une enfance pauvre et obscure qu’elle travestira une fois connue, Schiaparelli est une descendante des Médicis et naît dans un palais romain au sein d’une famille d’intellectuels. Là où Chanel fait financer ses premières boutiques par des hommes, Schiaparelli voit sa fortune personnelle croquée par son mari.

Bientôt désargentée, elle se découvre un goût pour la mode et ses créations excentriques attirent l’attention de Paul Poiret.

Elle applique une tradition architecturale bien connue en Italie à des pulls de jersey décorés de nœuds en trompe-l’œil, qui ont grand succès.

Elle rencontre les dadaïstes. Chanel a beau croire qu’elle insulte Schiaparelli en la traitant “d’artiste qui fait des robes” mais il n’en demeure pas moins que l’expression est, en toute neutralité, totalement vraie.

La structure de ses robes n’est pas à proprement parler extravagante, ce sont les décorations qu’elle y applique qui le sont. La “robe homard”, imaginée avec Dali, en est le meilleur exemple et ce n’est pas pour rien qu’une scandaleuse comme Wallis Simpson porte cette robe tout aussi scandaleuse pour l’époque.

Les accessoires imaginés par Schiaparelli sont délirants : des bottes à cheveux, des gants décorés d’ongles rouges en peau de serpent ou encore un poudrier-écran de téléphone.

Les artistes collaborent à ces folies, Cocteau, Dali, Giacometti ou Elsa Triolet les premiers.

Elle libère le corps des femmes, en inventant la jupe-culotte et en traitant la si pratique fermeture Éclair comme un bijou, alors qu’elle était d’habitude camouflée. Elle met à l’honneur un rose éclatant, le rose shocking, qui sera sa signature.

Schiaparelli encourage les femmes à prendre de la place, à assumer, à être vues et reconnues et ses créations richement rehaussées de broderies Lesage ne disent rien d’autre. C’est extravagant de beauté.

Bien des points communs rapprochent Chanel et Schiaparelli : au-delà de cette compréhension instinctive du besoin de libérer le corps de la femme, de l’utilisation du jersey ou de la création de vêtements de sport pour des femmes actives, un sens aigu des affaires, un talent certain pour promouvoir leurs personnalités de jolies-laides et leurs marques, la lucidité relative au développement de gammes d’accessoires et de parfums qui sont de véritables mines d’or sont autant de points de convergence.

La maison Schiaparelli ferme en 1954 et Elsa décède en 1973. La maison est reprise en 2006 et les robes proposées depuis jouent sur le sens de l’extravagance de la fondatrice et sur sa couleur fétiche, le fameux rose “shocking”.

L’exposition se tient jusqu’au 22 Janvier 2023 au Musée des Arts Décoratifs à Paris.

2 Septembre 2022