Voici un lieu hors du temps, hors de l’espace, hors de tout : la Villa Ephrussi. L’endroit est à proprement parler absolument magique et enchanteur, et je ne sais où commencer.
Commençons donc par sa propriétaire, Béatrice de Rothschild, née en 1864. On l’aura compris, Béatrice naît avec quelques facilités dans la vie, puisqu’elle est la fille du baron Alphonse de Rothschild, de la branche de Paris, et de Leonora de Rothschild, de la branche de Londres (consanguinité, quand tu nous tiens).
Béatrice se marie à 19 ans avec un ami de ses parents, de 15 ans son ainé, le milliardaire russe Maurice Ephrussi. Dire que le mariage est un désastre serait un doux euphémisme, puisque Maurice, plein de délicatesse, transmet à sa femme une maladie sexuellement transmissible qui lui interdira toute grossesse et puisque Maurice, toujours plein de délicatesse, siphonne la fortune du couple au jeu. Le couple divorce en 1904. Pour autant, Béatrice garde son nom de femme mariée, le divorce étant à l’époque la marque de l’infamie.
Le père de Béatrice décède en 1905, et la laisse extrêmement fortunée. Elle acquiert, au nez et à la barbe du roi des belges Léopold II qui convoitait l’endroit, un terrain de 7 hectares à Saint-Jean-Cap-Ferrat, où elle souhaite construire le palais de ses rêves.
Ainsi naît la Villa Ephrussi.
Des travaux titanesques prennent place pendant cinq ans, de 1907 à 1912, afin de créer le palais et les jardins. Aaron Messiah se charge de la construction de la Villa baptisée “Ile-de-France” en hommage au navire sur lequel Béatrice aimait à voyager, et ce nom est tout à fait corrélé aux jardins à la française, qui se déploient devant la Villa côté Sud, sur une étendue en forme de pont de navire.
En parlant des jardins, ceux-ci ont exigé quelques travaux afin de les dynamiter, les araser et les niveler. La difficulté de créer des jardins verdoyants alors que le terrain est rocailleux et battu par les vents est surmontée par l’apport de tonnes de terre, qui permet la création des jardins à la française. Ce sont ces jardins à la française, au Sud, qui sont en forme de bateau, orné de cascades, de bassins, avec le Temple de l’Amour en proue.
Mais il y a d’autres jardins qui parsèment les 7 hectares du domaine : le jardin japonais, le jardin lapidaire et la roseraie.
S’y ajouteront ultérieurement le jardin espagnol, le jardin florentin, le jardin exotique et le jardin provençal.
Le jardin espagnol est de toute beauté.
Les plantes grasses du jardin exotique sont tout simplement incroyables.
La Villa en tant que telle est d’inspiration italienne : la Renaissance florentine et l’École vénitienne sont les modèles les plus évidents.
Béatrice rejoint la lignée des grands collectionneurs de l’époque – les Cernuschi, Camondo, Jacquemart-André, Frick et autres Wallace – ce qui lui est d’autant plus facile que son éducation a exacerbé son goût de l’art. Les intérieurs de la Villa sont riches, très riches, parfois trop riches mais je me plais à imaginer cette femme que je pense finalement très seule, errer dans ses salons, parcourant ses jardins et se réchauffant le cœur auprès de la beauté de sa création.
Edmond Rostand ne voulait peut-être que du blanc dans sa Villa Arnaga, mais Béatrice n’exige quant à elle que du rose, sa couleur fétiche.
Béatrice désertera la Villa dès 1916.
A son décès en 1934, Béatrice lègue la Villa Ephrussi à l’Institut de France – pour notre plus grand bonheur.
Robe Alexander McQueen – Ballerines Repetto – Sac à main Lanvin – Lunettes de soleil Miu Miu
8 Juillet 2022