Une séance-photo réussie, ça tient à peu de choses. Enfin, non, soyons honnêtes, ça tient à beaucoup de paramètres : de la préparation, de la ponctualité, de la lumière et du professionnalisme. En l’occurrence, qu’avons-nous ? Eh bien, nous avons une séance-photo absolument ratée.
Nous sommes mi-janvier et il fait un froid à faire pleurer un yéti. Je n’ai pas vraiment dormi depuis un mois, ce qui explique ma tronche bouffie.
Si l’on doit parler de préparation, je viens comme je suis – autant vous dire que ce jour-là, préparation il n’y a point car je suis épuisée et pas follement d’humeur à me faire photographier.
Je donne rendez-vous à mon photographe Cedric à 15 heures à l’angle de l’avenue de la Bourdonnais et de la rue de l’Université, pour des photos sur le Champ-de-Mars tout proche. Ai-je le temps d’admirer les trois milliards d’influenceuses du coin faire au coude à coude leurs selfies devant la Tour Eiffel, à cet exact endroit réputé sur Instagram comme LE spot parisien incontournable ?
Oh oui. J’ai largement le temps puisque mon photographe a près d’une heure de retard.
Trouvé-je les influenceuses du coin totalement et irrémédiablement ridicules ? Absolument et j’ai de la peine pour les riverains qui doivent se coltiner des gourdes qui se prennent en photo en bas de leurs immeubles toute la sainte journée.
J’ai, à un moment donné, une folle envie de décamper en me disant que je me livre à la même activité, certes plus professionnelle car l’objectif braqué sur moi est un vrai appareil-photo et que la personne qui tient ledit objectif est un vrai photographe. Pour autant, j’ai, depuis quelques mois, de plus en plus honte de participer à ce cercle égotique d’auto-promotion où il faut forcément être pris en photo ou se prendre en photo à des endroits soi-disant instagrammables.
Une chose que n’auront pas les influenceuses, ce sont les rats (attendez, j’arrive).
Je meurs de froid en attendant mon cher Cedric, et à présent ma tronche bouffie est également crispée de froid.
Nous allons sur le Champ-de-Mars. Nous découvrons que l’endroit est infesté – non pas d’influenceuses – mais de rats tellement gros que – sotte citadine que je suis – je les prends de prime abord pour des lapins (imaginez la tête de Cedric quand je dis “oh regarde, il y a des lapins en liberté à Paris, c’est génial”, alors qu’il sait, LUI, qu’on ne parle pas de lapins).
Bref.
Il est 16 heures. Il n’y a plus de lumière ou presque.
Je meurs de froid mais je change mes derbies pour des talons bien décolletés que j’ai emportés (je rappelle à l’aimable audience que je ne porte jamais au grand jamais de chaussettes). La marque laissée par les derbies sur le cou-de-pied pourrait faire croire que je sors d’une séance de BDSM avec un amant fétichiste des pieds. Qu’importe, on est là et raté pour raté (car on sait tout de suite tous les deux que la séance va donner un résultat plus que perfectible), on part tous les deux en sucette. Surtout moi d’ailleurs, car je ne suis pas une professionnelle de la séance-photo, vous l’aurez compris. Je suis avocat.
Et je suis pétrie de froid. Donc je m’agite.
Je marche en levant les genoux, essayant vainement de démontrer – du haut de mes 47 ans et de mes 164 centimètres – que les mannequins ont une démarche spécifique qui n’a rien de naturel MAIS QUE CA VAUT LA PEINE D’ESSAYER POUR LES PHOTOS. Je ris tellement de mes propres conneries que j’en pleure et que le mascara coule et que ce n’est pas photogénique.
Je marche en zigzag, j’enfonce mes talons dans l’herbe car personne ne peut marcher en talons aiguilles dans l’herbe. Sauf Kate Middleton, mais elle s’est beaucoup entrainée, je pense.
Cedric se dit que c’est plus intéressant de photographier les rats. On ne peut pas lui donner tort.
Voilà. C’est un fiasco total, ça arrive, c’est la vie. Du coup, vous admirerez (ou pas, d’ailleurs) les photos pas follement lumineuses d’une femme de 47 ans fatiguée qui galère dans l’herbe avec des rats autour. Pourquoi pas.
Manteau Loro Piana – Leggings en cuir La Perla – Pull et escarpins Armani – Sac à main YSL – Mitaines vintage – Boucles d’oreilles O’Fée – Rats pur jus de Paris
Le 8 Mars 2022