Voici une merveille nichée sur l’une des collines de Port-Marly, à une vingtaine de kilomètres de Paris : le château de Monte-Cristo.
L’endroit est aujourd’hui confidentiel, pourtant la réputation de son premier propriétaire était à l’époque flamboyante, puisque l’on parle d’Alexandre Dumas père.
Que dire d’Alexandre Dumas ? J’ai pour lui une admiration sans bornes. J’ai rarement lu meilleur conteur, capable de vous emporter, haletant, dans des romans-fleuves historiques d’une longueur pourtant rebutante. Alexandre Dumas avait coutume de dire qu’il violait l’Histoire pour lui faire de beaux enfants, et même si la formule est rude, il faut avouer qu’il a effectivement accouché de merveilles d’intelligence, de suspens et de drôlerie. Je suis en train de lire « Le Collier de la Reine », et les nœuds d’intrigue sont magistraux, surtout lorsque l’on connait la fin (historique, cette fois-ci) de cette malheureuse affaire.
Alexandre Dumas s’est également illustré par une volonté forcenée de vivre pleinement, de brûler la chandelle par les deux bouts, travaillant comme un forçat, jouissant en parfait viveur de tous les agréments de la vie et savourant chaque instant à sa pleine puissance. Il y avait, je pense, beaucoup de soif de revanche chez cet homme qui ne voulait se voir imposer aucune limite, lui, le « mulâtre » si souvent moqué et caricaturé en ogre de la vie, par la presse de son temps.
Ogre de la vie, fut-il ? Je le crois bien. Et ce domaine de Monte-Cristo en est tout de même le meilleur exemple. Construit en 1846, ce domaine est absolument décadent. Au milieu de 9 hectares de parc où se laissent admirer grottes et fontaines, se love un bâtiment principal néo-Renaissance et un cabinet de travail néo-gothique (« cabinet de travail » ? c’est un château en taille réduite et je veux le même) où l’écrivain noircissait ses pages.
Lors de la pendaison de crémaillère en 1847, 600 personnes se présentèrent alors que seulement 50 invitations avaient été envoyées.
Dès 1848, criblé de dettes, Alexandre Dumas est forcé de vendre le domaine. Menacé de tomber en ruines, puis sauvé par la Société des Amis d’Alexandre Dumas dans les années 1970, le domaine de Monte-Cristo est à présent la propriété de trois villes : Marly-le-Roi, Port-Marly et le Pecq.
L’endroit est enchanteur, vraiment.
Le minuscule château néo-gothique qui tient lieu de cabinet de travail a été baptisé le « Château d’If » – référence évidente au roman « Le Comte de Monte-Cristo » – et il domine un tout aussi minuscule étang. Le titre de nombreux romans d’Alexandre Dumas est inscrit sur la façade de cette curiosité néo-gothique.
Le château néo-Renaissance est également une merveille architecturale. Ses façades sont ornées de moult décors et l’intérieur comporte au premier étage un salon mauresque absolument incroyable.
Je me suis toujours demandée si le nom du domaine avait été choisi par Alexandre Dumas lui-même ou si le nom était venu avec l’institutionnalisation du domaine en musée. Si j’en crois l’affiche de vente aux enchères du domaine en 1848, le nom a bien été choisi par l’écrivain.
Le choix de « Monte-Cristo » est très parlant – le nom du domaine aurait très bien pu être tiré des « Trois Mousquetaires » par exemple.
Mais pas du tout.
Évoquer le roman « Monte-Cristo », c’est évoquer d’une histoire de revanche, de reconnaissance. Et je pense que c’est très intimement ce que souhaitait Alexandre Dumas, en construisant ce domaine.
18 Juin 2021