2020, et l’on en est encore à tenter de normaliser la tenue vestimentaire des femmes.
Lorsque, le 21 septembre 2020, le Ministre de l’Éducation Nationale nous lâche le mot de “tenue républicaine” au lycée, cela devient un tantinet problématique, je trouve.
Je suis interloquée par ce concept très nouveau et très vide de sens (juridique, notamment) puisque je constate que l’on ne parle de ce type de tenue que lorsque l’on en vient aux femmes – plutôt les jeunes femmes d’ailleurs – les adolescentes.
Je suis également interloquée par ce concept parce que Marianne, qui personnifie la France, a souvent le sein nu, dans sa version révolutionnaire.
Une “tenue républicaine”, cela ne veut strictement rien dire, à moins d’être habillé(e) de bleu, de blanc et de rouge en permanence, peut-être (attendez, j’arrive).
Suite à ce nouveau concept de “tenue républicaine”, l’Ifop a publié un sondage tout aussi perturbant, aux termes duquel on comprenait que ce qui dérangeait une majorité de sondés était lié à la sexualisation des tenues (qu’ils mettaient dans leur regard posé sur le corps féminin, qu’il s’agisse de décolletés, de crop-tops, de mini-jupes ou encore pire apparemment, de shorts) et non pas à leur bienséance (les jeans troués et effilochés leur passent par-dessus la tête).
Je vais être honnête : le bien-fondé de ce sondage finalement très axé sur la tenue féminine (puisque l’on parlait de soutien-gorge, de mini-jupe et de short féminin) et les dessins qui accompagnaient le sondage étaient aussi perturbants que les résultats.
Résultats perturbants, parce que l’on se rend compte que 73% des femmes sont opposées à l’abandon du soutien-gorge, parce que l’on se rend compte que 62% des Français (hommes et femmes confondus) sont contre le décolleté plongeant (encore faudrait-il définir la “plongeance” et son degré) et parce que l’on se rend compte que le crop top et le short sont des instruments du diable ou presque.
Résultats perturbants parce qu’ils démontrent une fois encore la difficulté d’une société entière à dés-érotiser le corps féminin.
Suite à ce sondage, Alain Finkielkraut, le fameux (hum) philosophe (hum) français annonçait tranquillement sur les ondes radiophoniques que la vue d’un crop top sur une adolescente le déconcentrait. Ta virilité est en carton-pâte, Alain, si je puis me permettre.
Trop voilée au goût de certains il y a quelques temps, la femme est à présent trop découverte.
Je suis mitigée quant au niqab et au burkini car je pressens parfois qu’il s’agit là pour certaines d’une pression religieuse et sociétale (un autre type de pression sociétale que celle qui pèse sur certaines femmes qui se veulent jeunes et hypersexualisées), mais en tout dernier recours, j’ai décidé de faire confiance à mes soeurs-femmes qui sont les mieux placées pour savoir ce qu’elles souhaitent porter. En un mot, chacune doit avoir le droit de s’habiller comme elle le souhaite à partir du moment où elle reste dans les clous de la légalité.
Il n’est pas question de faire ici de la politique de partis, mais je réalise tout de même que la tenue vestimentaire des femmes a, en réalité, toujours été un sujet politique.
Ce ne sont pas celles qui brûlaient leurs soutien-gorges en 68 qui me contrediront.
Visiblement, le sujet reste aujourd’hui tout aussi politique.
Me voici donc à 6 heures 30 du matin (couvre-feu oblige) dans un endroit extrêmement réfléchi, à savoir rue de la Convention (qui fait donc référence à la période révolutionnaire de la Convention, qui a proclamé la Première République) dans une robe toute aussi réfléchie, à savoir une tenue ancienne de French cancan.
En bleu, blanc, rouge, donc. Assez républicain pour vous, cher Ministre de l’Éducation Nationale ?
Parlons donc de cet emblème bien patriotique qu’est aujourd’hui la tenue de French cancan. Illustration parfaite du fameux esprit français tel que le voient de nos jours les étrangers, faut-il rappeler qu’à ses début, la tenue de French cancan se portait sans culotte et était l’apanage des prostituées qui dansaient de la manière la plus suggestive possible afin d’attirer le chaland ?
Oui, bien sûr qu’il faut le dire, puisque cela montre au moins que les normes sociales évoluent constamment.
Me voici également dans une tenue d’une simplicité affligeante (dans la vidéo à tout le moins, puisque je traverse rarement la ville en robe de French cancan) : un pull col V noir, un manteau trois-quart gris, un collant opaque noir, des talons de 6 centimètres noirs et… un short noir (le fameux short diabolisé par les résultats du sondage Ifop).
Ni approprié ni républicain, si j’en crois le dogme gouvernemental actuel (surtout lorsque l’on frôle les 46 ans) mais qu’importe. Personne ne m’interdira de porter un short, une robe de French cancan ou toute pièce qui me conviendra.
Vous avez dit “esprit français”?
27 Novembre 2020
Robe de French cancan ancienne chez Marcel et Jeannette – Escarpins Dior – Manchette YSL