GEORGE SAND

Le Musée de la Vie Romantique est l’ancienne demeure du peintre néerlandais Ary Scheffer, qui s’y installa en 1830.

Peintre reconnu et proche du roi Louis-Philippe, il élut domicile dans cette charmante demeure en plein cœur du nouveau quartier en vogue alors, La Nouvelle Athènes – qui se voulait la nouvelles république des arts et des lettres. Sa demeure était réputée pour accueillir de nombreux artistes : George Sand, Chopin, Liszt, Delacroix comptant parmi eux.

Le Musée est petit, charmant et absolument illustratif d’une maison bourgeoise versée dans les arts des années 1830 et suivantes. Pour autant, c’est évidemment George Sand, qui visitait régulièrement cette demeure, qui m’a fait friser l’œil.

Salon George Sand

Le Musée a su réunir et préserver de nombreux souvenirs liés à cet écrivain, qu’il s’agisse de notes, de dessins ou d’objets personnels.

Buste de George Sand par Clésinger

De George Sand, le lectorat français garde souvent en mémoire ses romans pastoraux comme La Mare au Diable, écrit en 1846 ou La Petite Fadette, écrit en 1849 – ou encore l’image populaire de l’inoffensive « bonne dame de Nohant » vieillissante.

Pour ma part, je retiens Mauprat, publié en 1837, fable philosophique qui retrace l’apprentissage de la vie par un jeune aristocrate de province, et qui se fera par la cruauté, puis l’amour et l’éducation.

Peu sensible à l’image d’Epinal de la « bonne dame de Nohant », je retiens surtout une figure féminine forte, hors des carcans sociaux, moderne et un tantinet révolutionnaire.

Celle dont le nom de naissance était Aurore Dupin, dont le sang était tout autant populaire qu’aristocratique, fit scandale dans une société conservatrice, en prenant un nom de plume masculin, en s’habillant en homme, en fustigeant l’institution du mariage, et en prenant de nombreux amants – Prosper Mérimée, Alfred de Musset, Frédéric Chopin pour ne citer que les plus illustres – ainsi que des positions politiques affirmées, républicaines et socialistes.

Ses trois premiers romans – Indiana, Valentine et Lélia magnifièrent la révolte de la femme enferrée dans le carcan du mariage de convenance et entravée par de pathétiques maris et de lâches amants.

Par la suite, ses romans magnifièrent la révolte sociale des pauvres et des ouvriers, puis la révolte politique contre la royauté.

En tant que femme écrivain, elle fut l’attaque de critiques misogynes absolument répugnantes.

Charles Baudelaire estima ainsi qu’ “elle n’a jamais été artiste. Elle a le fameux style coulant, cher aux bourgeois. Elle est bête, elle est lourde, elle est bavarde ; elle a dans les idées morales la même profondeur de jugement et la même délicatesse de sentiment que les concierges et les filles entretenues”.

Edmond de Goncourt considéra quant à lui, à propos de La Mare au Diable que “les femmes ont le génie du faux”. “Si on avait fait l’autopsie des femmes ayant un talent original, comme Mme Sand, on trouverait chez elles des parties génitales se rapprochant de l’homme, des clitoris un peu parents de nos verges”.

Pour autant, sa notoriété fit à l’époque de l’ombre aux plus grands écrivains contemporains, à commencer par le grand Victor Hugo et son talent fut célébré par de nombreux écrivains contemporains – Hugo au premier titre.

Dans l’éloge funèbre qu’il lui dédia, il écrivit : « je pleure une morte, je salue une immortelle. George Sand a dans notre temps une place unique. D’autres sont les grands hommes ; elle est la grande femme. Dans ce siècle qui a pour loi d’achever la Révolution française et de commencer la Révolution humaine, l’égalité des sexes faisant partie de l’égalité des hommes, il fallait une forte femme ».

16 Avril 2020

La Maison de George Sand à Nohant, par Vicente Santaolaria, 1917