Trois vies pour un palais – j’ai nommé le Palais Gaillard – n’est-ce pas merveilleux ?
Le palais Gaillard est un bijou néo-gothique et néo-Renaissance parisien qui n’a – à ma connaissance – aucune équivalence dans la capitale. Le bâtiment, qui donne sur rue, est impressionnant par sa taille et sa radicalité stylistique.
Comme souvent dans ce quartier de la plaine Monceau, l’histoire du palais Gaillard nait sous l’impulsion d’un banquier collectionneur de la fin du XIXème siècle.
Comme souvent dans ce quartier de la plaine Monceau, le résultat est magnifique, le Palais Gaillard venant rejoindre la constellation architecturale formée dans le quartier par les hôtels Rothschild, Cernuschi, Camondo et Jacquemart-André.
Cela étant, quelques différences notables existent entre Gaillard et les autres étoiles de la constellation.
La nature des collections et donc du style architectural choisi est une première différence. Ainsi, lorsqu’Emile Gaillard confie en 1878 la construction de son hôtel à l’architecte Jules Février, c’est pour offrir le parfait écrin à ses collections datant du Moyen-Age et de la Renaissance. Les collectionneurs du quartier portent plus leur intérêt vers des arts plus modernes (la seule exception notable étant Jacquemart-André, avec le musée des primitifs italiens). De fait, le style architectural des demeures est en général néo-classique et certainement pas néo-gothique ou néo-Renaissance.
Seconde différence notable : là où les demeures se cachent généralement derrière un grand porche et une cour d’honneur, Gaillard a pignon sur rue, l’entrée de la demeure donnant directement sur celle-ci. Du jamais vu.
La presse de l’époque est d’ailleurs déconcertée : “faut-il donner le nom d’hôtel, de château ou de palais, à la splendide construction que vient d’élever Monsieur Jules Février, pour Monsieur Gaillard, banquier à Grenoble ?” s’interroge le journaliste Claude Périer dans La Semaine des Constructeurs.
(Pour ma part, j’ai choisi, vous l’aurez compris : il s’agit d’un palais. C’est féerique).
La construction s’inspire du château de Blois édifié au XVème siècle, qui devient rapidement une référence architecturale car Blois mêle des éléments de style gothique et des innovations de la Renaissance.
Les travaux du Palais Gaillard durent deux ans, et l’ensemble architectural est autant destiné à l’apparat qu’à la vie familiale. Pour fêter l’inauguration du Palais, un grand bal costumé Époque Henri II est organisé avec quelques 2.000 invités.
Deux ans après le décès d’Emile Gaillard en 1902, la banque familiale est vendue au Crédit Lyonnais et ses héritiers, ruinés, mettent en vente les collections. Plus de 1.000 pièces sont ainsi dispersées, notamment vers les musées.
En vente depuis 1904, le Palais Gaillard n’est acquis qu’en 1919 par la Banque de France pour la somme dérisoire de 2 millions de francs, alors que le coût de construction s’était élevé à 11 millions de francs.
La seconde vie du palais peut débuter : il devient en 1923, après quatre ans de travaux de réaménagement, une succursale de la Banque de France.
Une salle des coffres est creusée et aménagée, monumentale et spectaculaire. Elle est dotée d’un système de sécurité inédit : des douves de 5 mètres de profondeur la protègent et l’accès s’y fait par un pont-levis.
L’Art Nouveau se marie harmonieusement avec le style existant du bâtiment et l’architecte en charge des travaux, Alphonse Defrasse, est – Dieu soit loué – soucieux du respect de l’œuvre de Jules Février, qui l’en remerciera d’ailleurs.
La succursale de la Banque de France ferme ses portes en 2006.
La troisième vie du Palais Gaillard peut commencer. Maintenant classé Monument Historique, l’idée est de glisser un projet de musée dédié à l’économie, dans le bâtiment existant.
Le premier défi réside dans l’apurement du bâtiment qui souffre d’additions architecturales finalement peu intéressantes, pour mieux révéler les différentes strates stylistiques des architectes Février et Defrasse.
La grande innovation architecturale est la création d’une terrasse intérieure invisible depuis l’extérieur. Elle offre un havre de paix à ciel ouvert et permet également d’admirer de plus près le magnifique travail des toitures d’origine.
Le nouveau musée, baptisé Citéco – la Cité de l’Économie et de la Monnaie – a vocation à devenir le premier musée interactif européen dédié à l’économie, autant destiné aux groupes scolaires qu’aux familles ; aux profanes qu’aux initiés.
Citéco, qui souhaite rendre l’économie accessible à tous, offre un parcours en plusieurs modules économiques – Échanges, Acteurs, Marchés, Instabilités, Régulations et Trésors – le tout émaillé de nombreuses vidéos et de jeux interactifs individuels et collectifs.
L’éventail des plaisirs est donc large : culturel, historique, pédagogique ou architectural, il est certain que chacun y trouvera son bonheur.
Ouverture mi-juin 2019, à vos agendas !
7 Juin 2019