LETTRE À L’ADOLESCENTE QUE J’ÉTAIS

A l’aube de mes 50 ans, qu’aurais-je aimé qu’on me dise à 18 ans ? Que la vie n’a rien d’une ligne droite, que la vie n’a rien de linéaire. Que la vie est faite de hauts, de bas, de virages, de surprises. De lenteurs et d’accélérations.

Que le bonheur n’est pas un un état permanent, qu’il ne tient pas à un jalon social – qu’il soit mariage, bébé, boulot ou autre.

Que le bonheur profond qui nous anime en tant qu’êtres, qui existe et persiste malgré les tourmentes, peut, lui, être un état permanent.

Que le bonheur connaît des degrés qui vont d’intense à simple, et qu’un bonheur simple est déjà un bonheur et qu’il doit être apprécié comme tel.

Que la définition du bonheur est très personnelle. Que certains voient dans le mot bonheur un logis paisible et tranquille alors que d’autres y verront l’aventure et le risque incessants.

Que le détachement de l’ego et l’équilibre en tout sont les très profondes sources du bonheur.

Que l’amour peut prendre mille formes. Qu’il évolue. Qu’on peut aimer les gens différemment selon les périodes de sa vie, qu’un amant peut devenir un ami avec lequel il n’existe plus d’autre enjeu que la bienveillance, qu’un enfant devient un adulte autonome avec lequel on peut échanger d’égal à égal.

Que rien n’est grave, hormis l’irrémédiable, c’est-à-dire la santé.

Que la santé physique est directement liée à la santé mentale et vice versa. Que le sport auquel on m’a initiée enfant allait sauver ma santé mentale d’adulte.

Que certaines personnes que l’on rencontre restent pour toujours et quoi qu’il advienne alors que d’autres partent lorsqu’elles n’ont plus vocation à participer à votre vie. Et que les deux sont appréciables.

Que la comparaison et le jugement d’autrui sont vains. Que chacun a son chemin propre et que c’est ce qui fait la richesse d’une humanité.

Que se trouver soi-même, se connaître dans ses forces et ses faiblesses, de savoir pourquoi on agit comme on agit, à quelle nécessité émotionnelle répond telle action ou telle réaction est un travail ardu, parfois douloureux mais qu’il est finalement le seul qui compte.

Qu’accepter que l’enfant blessé que l’on a pu être ne dirige plus inconsciemment les actions de l’adulte que l’on est aujourd’hui est le travail le plus salvateur que l’on puisse faire.

Que les priorités changent, que sa propre réalisation dans le travail est certes très satisfaisante mais que sa propre réalisation dans la vie l’est encore plus. Qu’avoir ne vaut jamais le simple fait d’être, que le matériel est fugace et inintéressant, alors que la construction de sa propre spiritualité est permanente et passionnante.

Qu’une communication avec autrui et avec soi-même réelle et sincère, dépouillée des apparences et des postures est la clé de toute vie réussie.

Qu’une grande majorité de personnes vivent dans le monde des apparences, qu’elles soient matérielles ou émotionnelles. Que certaines personnes se voient telles qu’elles voudraient être. Que certaines personnes vous voient telles qu’elles aimeraient que vous soyez parce que le reflet d’elles-mêmes que vous leur renvoyez les satisfait. Que certaines personnes ne vous verront jamais tel que vous êtes, ne vous regarderont jamais pour de vrai. Que c’est leur problème, pas le vôtre.

Qu’il faut souvent pardonner pour avancer. Mais qu’il ne faut pas totalement oublier car cela renseigne sur la qualité humaine des gens et permet de se construire une petite philosophie personnelle du comportement humain.

Que la beauté plastique tellement glorifiée par nos sociétés est éphémère et n’aura jamais l’impact du charisme et du magnétisme. Qu’il faut accumuler une vie entière pour être charismatique et magnétique.

Que la vie a un talent certain pour vous jeter à la figure le défi personnel dont vous aviez justement besoin à ce moment-là, celui qui vient vous chercher au fond, qui vous oblige à vous remettre en cause, à vous améliorer, à vous dépasser et à sortir de vos schémas de pensée limités.

Que les gens changent, car tout est changement et qu’eux-mêmes sont confrontés à des défis qui les font avancer.

Que certaines personnes ne changeront jamais, mais que c’est leur problème, pas le vôtre.

Que l’adaptabilité constante est la plus grande forme d’intelligence. Que tout peut changer pour le pire ou pour le meilleur en un clin d’oeil et qu’il faut aborder chaque virage avec philosophie et relativité.

Que ce qui nous sauve souvent, c’est la bienveillance intelligente, l’empathie et le réel effort de compréhension d’autrui. Mais qu’il faut aussi savoir trancher lorsqu’un con reste un con. Qu’il faut à tout prix sortir les cons de sa vie. Que c’est leur problème s’ils sont cons, pas le vôtre.

Qu’une vie ne s’écrit pas sur 10 ans ou 20 ans, mais sur toute une vie. Que des plus grands échecs peuvent naître de plus grands succès, pour peu qu’on en tire des leçons de vie.

Que tout n’est qu’anticipation. Tout se prépare, tout se travaille, que ce soit intellectuel, physique ou émotionnel.

Mais que le contrôle est illusoire. Qu’il faut toujours espérer le meilleur et se préparer pour le pire.

Que ma mère, que j’aimais d’un amour égocentré et gentiment distrait lorsque j’étais adolescente, était alors une héroïne anonyme et une combattante du quotidien que j’aurais dû aimer comme telle depuis toujours.

Que devenir mère célibataire suppose aussi, au-delà des grandes et petites joies quotidiennes, de s’oublier, de se sacrifier et de devenir invisible pendant au moins dix ans. Mais que l’on reprend sa place en tant qu’individu à part entière dans le monde après, si on l’anticipe et qu’on le prépare.

Que j’aurais gagné à être plus tolérante.

Que ce que l’on appelle courage est souvent de la pure inconscience. Que c’est très bien. Que l’inconscience du danger ou des conséquences fait aussi avancer.

Que les gens partent et qu’on ne leur a jamais assez dit combien ils étaient formidables, incroyables, merveilleux et combien on les a aimés.

Que la vie passe trop vite et qu’il faut la savourer, toujours, tout le temps.

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Le 29 Décembre 2023