Les irréelles iles Borromées tiennent leur nom d’une famille milanaise, dont le patronyme est dérivé de « buon romei ». Cette famille, dont le nom désignait au Moyen Age ceux qui venaient de Rome, s’installèrent à Milan où ils devinrent de puissants banquiers.
En qualité de trésorier de la puissante famille lombarde Visconti qui prend le titre de duc de Milan en 1395, puis de la famille Sforza qui succède à celle-ci en 1450, Vitaliano Borromeo reçoit en fief Arona puis est fait comte. Famille d’influence, les Borromeo n’ont de cesse de nouer des liens avec les Visconti, les Médicis, les Sforza et les Barberini pour asseoir un peu plus leur pouvoir.
L’alliance des trois familles Borromeo, Visconti et Sforza est d’ailleurs symbolisée par l’étonnant nœud borroméen, emblème qui orne les palais des Borromeo, notamment sur l’Isola Bella.
En théorie des nœuds, ce que l’on appelle « les anneaux borroméens » constituent un entrelacs de trois cercles qui ne peuvent être détachés les uns des autres même en les déformant, mais un entrelacs tel que la suppression de n’importe quel cercle libère les deux cercles restants. Reste à savoir quelle famille il fallait écarter de l’équation pour libérer les deux autres.
La famille Borromeo connaît une longue période de puissance et de prospérité, jusqu’à ce que le duc François II Sforza lègue le duché à Charles Quint.
Les iles Borromées sont au nombre de cinq, mais trois seulement se visitent.
Isolino di San Giovanni et le rocher de Malghera ne se visitent pas.
Isolino de San Giovanni, que l’immense chef d’orchestre Toscanini a habité de nombreuses années
Le rocher de Malghera
Isola dei Pescatori, également appelée “isola superiore” est l’ile des pêcheurs et ses ruelles et petites maisons sont hautement pittoresques. Elle est la seule des trois îles à ne jamais avoir appartenu à la famille Borromeo, c’est également la seule à être habitée à demeure tout au long de l’année. Large de 100 mètres et longue de 350 mètres et habitée par une cinquantaine de résidents permanents, elle abrite au gré de ses petites ruelles de simples maisons de pêcheurs, dotées de longs balcons autrefois utilisés pour sécher le poisson. Sa simplicité tranche avec le luxe affiché des deux autres iles.
Isola Madre, anciennement appelée « isola di San Vittore » puis « isola maggiore », est la plus grande des iles et est couverte sur 8 hectares de jardins célèbres pour la diversité de leurs plantes rares et de leurs fleurs exotiques. Les premières cultures remontent au début du XVIème siècle lorsque la famille Borromeo, constatant le climat exceptionnellement doux de l’endroit, y fit planter des agrumes et des vignes. Durant le XIXème siècle, le verger fut transformé en jardin botanique, grâce à la passion pour la botanique du comte Vitaliano IX Borromeo, qui n’eu de cesse d’enrichir ses collections de plantes exotiques provenant des quatre coins du monde.
« L’Isola Madre, paradis terrestre. Arbres à feuilles d’or que le soleil dorait », écrit Gustave Flaubert en 1845 lorsqu’il découvre Isola Madre.
Isola Bella est la plus décadente par son château baroque du XVIIème siècle. Isola Bella était connue sous le nom d’ « isola inferiore » ou « isola di sotto » (île inférieure ou île du bas) jusqu’en 1632. On y trouvait alors un petit village de pêcheurs. Mais en 1632, le comte Carlo III Borromeo commandite la construction d’un palais en l’honneur de sa femme Isabella d’Adda. Les travaux, interrompus par une épidémie de peste, ne sont achevés qu’en 1652 par les fils de Carlo et les jardins en terrasses ne sont inaugurés qu’en 1671.
Le palais et les jardins représentent un vaisseau imaginaire : le palais fait figure de pont avant et la terrasse plus élevée fait figure de pont arrière.
Le palais de quatre étages est de style baroque.
Les pièces les plus intéressantes se situent au premier niveau : le salon d’honneur à l’architecture grandiose avec son balcon intérieur et sa coupole et autour duquel s’ouvrent la néoclassique salle de bal, la salle de musique avec ses précieux instruments musicaux, la salle « delle medaglie », ainsi appelée pour ses médailles en bois doré représentant diverses tranches de vie de San Carlo Borromeo, la galerie des tapisseries qui expose de précieuses tapisseries flamandes du XVIème siècle en soie et or ainsi que de nombreuses autres salles ornées de tableaux, décorées de meubles, de stucs et de lustres en cristal.
Le lit où Bonaparte invita Joséphine à passer la nuit lors des campagnes d’Italie est encore là.
Au sous-sol se trouve la partie la plus originale du palais : six grottes ornées de galets. L’eau affleure et c’est merveilleusement rafraichissant.
Le jardin à l’italienne se décline sur dix terrasses qui dessinent une pyramide ornée de balustrades, de haies, d’obélisques et de statues.
La terrasse supérieure constitue le point panoramique de l’ile.
Sur la terrasse intermédiaire se trouve l’élégant « giardino dell’amore (jardin de l’amour) orné d’un bassin de nymphéas et de magnifiques parterres brodés de buis.
Le « teatro massimo » (l’amphithéâtre), qui représente le triomphe de la famille Borromeo, est un ensemble élaboré sur trois niveaux aux murs ornés de pierres naturelles, de niches, de reliefs et de statuettes.
Au grand siècle, la renommée d’Isola Bella dépassait les frontières et la noblesse européenne se bouscule pour assister à ses fêtes.
De fait, la devise de la famille « Humilitas » fait peut-être doucement sourire, mais l’émerveillement devant tant de beauté l’emporte.
Le 4 Août 2023