EXPOSITION – VIVIAN MAIER

Il faut aller voir l’exposition Vivian Maier, proposée par le musée du Luxembourg jusqu’au 16 janvier 2022. La beauté des œuvres photographiques présentées est incontestable, mais c’est surtout l’humanité qui en ressort qui est incroyable.

Vivian Maier est une immense photographe et ne l’aura jamais su. L’histoire du fonds photographique proposé par le musée du Luxembourg est rocambolesque et la vie de Vivian Maier, improbable.

Car il faut parler de John Maloof, ce jeune collectionneur américain originaire de Chicago, qui débute en 2005 la rédaction d’un livre sur Chicago où il vient d’acheter sa première maison. A la recherche de vieilles photographies pouvant venir illustrer son ouvrage, il achète aux enchères plusieurs boites contenant des négatifs non développés.

Il ne le sait pas encore, mais il s’agit des œuvres photographiques de Vivian Maier. Il ne le sait pas encore, mais John Maloof vient de rencontrer son destin. Ébloui par la qualité des photos découvertes, il va mener l’enquête afin d’identifier leur auteur. Et ce n’est pas une mince affaire, puisque Vivian Maier, née en 1926 à New York et morte en 2009 à Chicago, a été presque toute sa vie nounou à domicile. Autant dire que les traces qu’elle a pu laisser sont bien légères.

Que sait-on de Vivian Maier ? Passionnée par la photographie depuis son adolescence, elle achète en 1952 un excellent appareil photo, un Rolleiflex.

Elle est d’origine française par sa mère et effectue plusieurs voyages en France. Ses voyages ne se limitent d’ailleurs pas à la France, puisqu’elle voyage, seule, au Canada, en Égypte, au Yemen et en Italie.

Elle arrive à 30 ans de New York à Chicago et travaille 17 ans au sein de la famille Gensburg, où elle s’occupe des trois garçons qui l’adorent. Elle dispose, au sein de la demeure familiale, d’une chambre et d’une salle de bains personnelle où elle développe quelques-uns de ses clichés.

Lorsqu’elle quitte les Gensburg dont les enfants ont grandi, elle travaille de famille en famille, passe à la photo couleur et utilise d’autres appareils photo, dont un Kodak et un Leica. Pour autant, c’est également à partir de son départ de la famille Gensburg qu’elle ne développera plus ses négatifs, faute de moyens.

La vieillesse venant, les difficultés financières s’accroissent. Bien que les fils Gensburg prennent soin de Vivian Maier, les impayés de son garde-meuble s’accumulent et toute sa vie – ses papiers, ses affaires personnelles, ses cartons de négatifs et ses appareils de photographie – est mise aux enchères en 2007. C’est le contenu de ce box de stockage que Randy Prow, Ron Slattery et John Maloof découvrent en s’en portant acquéreurs.

John Maloof s’emploie depuis à faire vivre l’héritage de Vivian Maier, qui aura réalisé près de 120.000 clichés de rue.

La question de la maternité de l’œuvre présentée aujourd’hui au public évidemment se pose. Car ce n’est pas Vivian Maier elle-même qui a sélectionné et recadré les clichés exposés. Elle n’a même jamais parlé de son travail photographique, n’a jamais montré les clichés tirés et n’a a fortiori jamais tenté d’en tirer profit. Pour autant, on sait qu’elle avait conscience de la qualité artistique de son travail.

Il faut dire que cette qualité est indéniable : ses clichés, au-delà de la pure beauté esthétique, disent beaucoup de la vie, de la solitude urbaine et de la dignité que chacun s’emploie à montrer face aux difficultés quotidiennes.

29 Décembre 2021