RESTAURANT LE SAINT GERMAIN – PARIS


Mon histoire familiale fait de moi – hélas ou tant mieux, je ne sais – quelqu’un d’extrêmement exigeant lorsque l’on en vient à la gastronomie.

Les mets préparés à la maison sont certes simples et familiaux, mais si je sors diner, je veux être éblouie.

La faute à qui ? La faute à un père restaurateur – devenu par la suite grand banquier – qui m’a emmenée à quatre ans chez Bocuse pour fêter la faillite de son restaurant (non, ne demandez pas).

La faute à qui encore ? A mon petit frère Nicolas, évidemment. Ce jeune homme a ouvert son restaurant de bistronomie Le P’tit Nicolas à la Rochelle, sans bagage aucun dans le domaine mais avec un vrai talent.

Le problème, lorsque vous invitez Nicolas à diner lors de ses rares excursions parisiennes, c’est qu’il faut être au niveau.

Et j’en viens donc au restaurant du Lutetia, le Saint Germain. Puisque c’est là que j’ai invité Nicolas, secrètement désireuse de savoir ce que nous réservait le Lutetia, nouvelle version.

Je vais la faire courte : Nicolas a été ébloui. J’ai été éblouie.

(Nicolas est capable de vocaliser son éblouissement – je cite “mais c’est un beurre au citron noir d’Iran”, là où je reste coite, n’est-ce pas).

Enfin, non, je vais la faire longue : je suis intimement persuadée que la gastronomie – avec la musique et le sexe – sont des cadeaux transcendants des Dieux jetés à notre pauvre humanité.

En l’occurrence, la cuisine proposée par le chef exécutif Benjamin Brial est simplement divine, au sens premier du terme. Les saveurs sont fouillées, fines et subtiles et là où l’on attend une belle partition en bouche, éclate une belle symphonie.

Benjamin Brial

Je ne vais pas vous faire l’article de Benjamin Brial, passé par Shanghai, Hong-Kong et Londres : les journalistes gastronomiques le font très bien à ma place.

Non, ce que je vais plutôt vous dire, c’est que derrière son visage décontracté, avenant et sociable, je soupçonne du travail, beaucoup de travail. Je soupçonne encore que Benjamin envoie son cœur, son talent et sa vision de la gastronomie dans chaque assiette qui part en salle. Je le sais, justement parce que Nicolas est restaurateur et que je la connais bien, cette inquiétude de celui qui est cuisinier jusqu’à l’os, de celui qui se demande à chaque assiette envoyée, s’il peut être fier ou non.



Revenons deux secondes aux assiettes.

L’ensemble commence très fort avec une belle de miche de pain tiède accompagnée du fameux beurre au beurre au citron noir d’Iran.

Les entrées et les plats sont des merveilles de finesse, de subtilité et de légèreté, mâtinées d’herbes et d’orientalisme : le foie gras est sublimé par le poivre Sarawak (ça tombe bien, moi qui me sens toujours obligée d’ajouter du poivre à mon foie gras pour le relever) mais adouci par le chutney de poire Hardy. 

Foie gras vendéen en terrine, poivre Sarawak, chutney poire beurrée Hardy et coing, chips de châtaigne

Les Saint-Jacques sont mises en valeur par une émulsion de curry de Ceylan tandis que la volaille des Landes est sertie en croute de grué de cacao et sobatcha.

Saint-Jacques bretonnes poêlées, chou-fleur rôti, émulsion de curry de Ceylan et zestes de citron Combawa

Shanghai et Hong-Kong ne sont pas loin. Les herbes, non plus.

Volaille des Landes pochée, en croute de grué de cacao et sobatcha, salsifis rôtis, jus court

Les vins proposés sont à l’avenant. Là où l’on attendrait peut-être un choix conventionnel, est par exemple proposé un divin vin de Collioure en accompagnement d’une blanquette qui n’a strictement rien à voir avec celle de votre grand-mère.

Parlons maintenant des desserts. Je suis encore plus difficile sur les desserts, pour la bonne et simple raison qu’il y a très peu de chefs pâtissiers à la hauteur de ce que proposent les chefs cuisiniers. En l’occurrence, j’ai tout simplement été conquise. Le chef pâtissier, Gaëtan Fiard – en toute simplicité Champion du Monde des Arts Sucrés 2014 – est à la manœuvre et c’est divin (encore). Gaëtan envoie lui aussi tout son cœur dans chaque assiette envoyée en salle.

Benjamin Brial et Gaëtan Fiard

 La poire pochée est délicate, savoureuse, généreuse.

Le baba au rhum ? Je ne sais plus si c’est du baba au rhum ou du rhum au baba, et même dans ce dernier cas, ça reste merveilleux de légèreté.

Crémeux chocolat, agrumes et praliné noisette du Piémont (crémeux qui a le bon goût de s’appeler le Marquis)
Les agrumes – Meringue croquante, crème kalamansi et sorbet mikan yuzu

 

Il y a du cœur, dans ces assiettes, beaucoup de cœur. Et au-delà de tout cela – qui est déjà inespéré – j’ai été conquise par la douce humanité qui règne dans les assiettes et dans la salle. Benjamin met en valeur Gaëtan, les chefs de rang mettent en valeur Benjamin, tout le monde est aux petits soins du client, et c’est merveilleux parce que c’est la vie à son meilleur.

Courez-y. Mais avant cela, réservez 😉

28 Décembre 2018