La voici, la voilà, la raison d’être de ce site.
La voici, la voilà, cette ado chérie dont je vous parle si souvent.
La voici, la voilà, l’intelligente, l’altruiste, l’humaniste, la belle Hannah.
A 19 ans maintenant, Hannah a sauté de joie lorsque je lui ai proposé une séance-photo qui viendrait spécifiquement illustrer un thème qui m’est cher, et qui lui est encore plus cher : celui de la place de la femme dans la société, dans le contexte actuel des mouvements MeToo et Time’s Up.
C’est un thème qui m’est devenu cher par la force des choses – par pour moi, finalement – mais pour eux, ces enfants que j’accompagne dans leur découverte de la vie, que ce soit à 5, 8 ou 19 ans. Dans quel monde vont-ils vivre ?
Les deux premiers articles que j’avais pu précédemment commettre sur ce sujet – ici et là – étaient illustrés par son petit frère et sa petite sœur (de loin ou de profil, bref méconnaissables, car eux sont mineurs et non-consentants) puisque tout mon questionnement se portait certes vers le présent mais encore plus vers le futur : quelle place pour la femme (et par conséquent pour l’homme) aujourd’hui certes, mais demain également, dans un monde post-Weinstein.
Il me semblait juste que ce dernier article sur le sujet soit accompagné de photos de cette maintenant jeune femme, qui a entrepris des études universitaires qui n’ont finalement qu’un seul but : comprendre le monde dans lequel elle vit d’un point de vue philosophique, économique et sociologique – puisqu’elle estime, à raison, que tout est lié.
Plus d’un an après l’explosion de la bombe Weinstein, où en sommes-nous ?
Il y a plus de six mois, j’émettais des vœux pieux : que la machine législative se mette en marche rapidement. Que la parole judiciaire soit pleinement accordée aux femmes ayant subi des abus sexuels. Que la présomption d’innocence soit respectée par les médias. Et que cesse la tyrannie de la démocratie où le quidam peut se permettre de lyncher, d’insulter et de vilipender grâce au relatif anonymat offert par les réseaux sociaux.
Et donc : plus d’un an après l’explosion de la bombe Weinstein, où en sommes-nous ?
Pas très loin, ai-je envie de dire.
Il y a certes des avancées.
Plusieurs femmes ont été élues maires de grandes villes aux Etats-Unis, une femme a été élue maire de Montréal, la Women’s March prend de l’ampleur un peu partout autour du globe et l’Islande est devenue en janvier 2018 le premier pays à mettre en vigueur l’égalité salariale entre hommes et femmes.
Certes.
Mais d’un point de vue législatif, je ne vois – aux Etats-Unis ou en France – aucune initiative de fond digne de ce nom venant renforcer les droits des femmes face au harcèlement sexuel, à l’abus sexuel ou aux comportements sexistes.
Au contraire, aux Etats-Unis, les droits des femmes ont été – sous la présidence Trump – remis en question de manière encore plus virulente, qu’il s’agisse de leur droit à l’avortement, de l’égalité salariale ou de la portée de leur voix en cas de harcèlement au travail.
Dans un contexte déjà tendu dans lequel le Président lui-même n’a jamais faire montre d’un immense respect de la gent féminine, le gouvernement Trump a tout simplement proposé de mettre fin aux aides et financements gouvernementaux dont bénéficiaient les cliniques proposant la pratique de l’avortement et les organismes d’assistance aux victimes de violences conjugales, notamment la National Domestic Violence Hotline. Ce qui revient, d’une manière ou d’une autre, à museler la voix des femmes via l’appareil d’Etat.
Le gouvernement Trump a également abrogé la loi “Fair Pay and Safe Workplaces” passée en 2014 par Obama, qui contraignait chaque société prestataire du gouvernement américain à mettre en place une politique de transparence salariale et qui interdisait l’application de clauses d’arbitrage dans les contrats de travail, pour tout litige concernant des cas de harcèlement sexuel dans le cadre du travail – cette interdiction permettant in fine à chaque employée de porter son litige devant les tribunaux et, de ce fait, de le rendre public.
En abrogeant cette loi “Fair Pay and Safe Workplaces”, Trump a permis le retour à cette belle pratique du “cover-up” offerte par la confidentialité de l’arbitrage. Ce qui revient encore, d’une manière ou d’une autre, à museler la voix des femmes via l’appareil d’Etat.
En France, la loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes permet certes un allongement de la prescription des viols et agressions sexuelles à 30 ans à compter de la majorité de la victime (au lieu de 20 ans à compter du jour où l’infraction a été commise), mais l’ensemble de cette loi est – globalement – un pur effet de communication, le gouvernement ayant surtout mis en exergue pendant de longs mois la problématique du harcèlement de rue.
Je m’explique.
Sera à présent puni d’une contravention pouvant aller de 90 euros (en paiement immédiat) à 750 euros, tout comportement relevant du harcèlement de rue, défini comme le comportement destiné à « imposer à une personne tout propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit créé à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ».
Bien.
Un léger souci ici.
Contravention suppose ici fait objectif constaté par les forces de l’ordre.
Cela suppose – en d’autres termes – un flagrant délit : je vois mal comment cette loi va effectivement s’appliquer, puisque la France ne dispose pas de policiers en service à chaque coin de rue.
Pur effet de communication, vous dis-je.
Et d’un point de vue sociétal, où en sommes-nous ?
Pas très loin, ai-je envie de dire (bis).
Nous vivons un moment de crispation intense des relations hommes-femmes, ce qui est bien dommage car rien n’avancera si ne sont pas inclus dans un même élan de changement les hommes et les femmes. La confusion est totale, ce qui est probablement normal, vu notre manque de recul, mais cela reste néanmoins très perturbant.
L’arsenal législatif et l’accompagnement scolaire sont inexistants, et la médiatisation des affaires ne permet certes pas de se faire une idée claire de la situation, entre temps judiciaire et temps médiatique. Vis-à-vis de nos enfants, le seul recours est d’expliquer, encore et encore, et de répéter, encore et encore qu’il faut respecter autrui comme un autre soi-même, sans considération de sexe, de couleur ou de condition sociale.
J’écris ces lignes, alors qu’une autre bombe vient d’exploser, cette fois-ci au Royaume-Uni. Au terme d’une enquête de huit mois, un journal anglais, The Telegraph, a eu connaissance de cas de harcèlements sexuels répétés à l’encontre de cinq personnes, commis par un chef d’entreprise anglais extrêmement connu.
Seul problème, ces cinq cas de comportements abusifs ont tous été couverts par des contrats de confidentialité, aux termes desquels les victimes se sont engagées à ne rien dévoiler des faits.
Portée devant les tribunaux anglais, l’affaire a été vite pliée : entre la force contractuelle de la clause de confidentialité et la liberté de la presse invoquée par The Telegraph, la force du contrat l’a emporté aux yeux du juge anglais. En conséquence, aucun média anglais ne pouvait sortir l’affaire.
Afin de contourner ce musèlement de la presse, Peter Hain, un membre du Parlement britannique, a décidé d’exercer son privilège parlementaire, en nommant la personne incriminée en pleine séance de la Chambre des Lords.
Philip Green. Milliardaire médiatisé, fondateur de Topshop, la chaine de magasins de vêtements pour femmes, omniprésente au Royaume-Uni.
Une fois encore : confusion totale. J’espère que Peter Hain a eu accès à un dossier solide et étayé avant de dénoncer Philip Green, car, explosion médiatique après explosion médiatique, nous assistons, impuissants, à un déferlement de boue purulente. Et cette boue concerne tout autant les abus commis que la chasse aux sorcières 2.0 qui s’épanouit sur les réseaux sociaux.
Bienvenue dans l’ère post-Weinstein.
3 Novembre 2018