Des photos en maillot de bain, ou la parfaite occasion de parler de Naomi Wolf.
J’aime infiniment cette essayiste américaine, qui a écrit en 1990 “The Beauty Myth”. Il y a 30 ans déjà, elle explicitait la nouvelle tyrannie qui allait opprimer les femmes : celle de la perfection physique, de la désirabilité de nos corps féminins et de leur mise en scène en qualité d’objets sexuels.
Les médias et les réseaux sociaux aujourd’hui ne pourraient – hélas – que lui donner raison.
Et me voici en maillot de bain sur Internet. Non pas que cela me plaise, je l’ai déjà exprimé, mais les tenues de plage font partie du vestiaire féminin.
Non pas que cela me plaise, mais je sais combien ces tenues peuvent être source d’angoisse pour beaucoup de femmes. Elles le sont pour moi aussi parfois, je vous assure. Je voulais vous le dire.
Parce que, pour vous, pour moi, il était finalement important de les publier. Et surtout de les accompagner d’une explication de texte.
Nous avons été tellement mal éduquées par de fausses images.
Nous avons été tellement mal éduquées par de mauvais discours.
Les vergetures ? Ça n’existe pas.
La cellulite ? Aucun droit de cité.
Les veines apparentes ? Impensable.
En revanche, l’obligatoire régime pour préparer l’été, oh oui.
C’est d’un ridicule achevé et achevant.
Lorsque mon photographe m’a envoyé les versions brutes de ces photos, j’étais – avec un pur a priori éducationnel – mécontente de ces photos. Pas assez bronzée, pas assez mince, pas assez lisse.
Et puis j’ai vraiment regardé ces photos une seconde fois. Et vous savez quoi ? Elles sont très bien, ces photos. J’ai des veines apparentes, j’ai de la cellulite, j’ai des plis sur le ventre, et c’est très bien comme ça.
J’ai des veines apparentes, parce que j’ai un système veineux (alléluia) et en prime, une mauvaise circulation. Mais on ne va certes pas pleurer sur un patrimoine génétique qu’on ne peut pas changer.
J’ai de la cellulite, parce que je suis une femme, qui, comme 90% de la population féminine caucasienne, a de la cellulite.
J’ai des plis sur le ventre, parce que… j’ai un ventre, que je suis à moitié recroquevillée, que mon photographe me raconte des horreurs pour me mettre à l’aise, et qui me font rire.
J’ai tout cela parce que je vis.
Parce que j’ai vécu.
Parce que j’ai 43 ans, que j’ai vécu et bien vécu, que j’ai porté des enfants, et que je compte bien encore vivre et bien vivre pendant de longues années. Je ne me suis jamais privée de vivre, sous prétexte que cela viendrait impacter l’esthétique de mon corps.
J’ai tout cela parce que les photos ne sont pas retouchées – question de principe.
J’ai tout cela parce que j’ai ce corps qui me permet de traverser la vie, de me soutenir dans cette vie, et que c’est déjà immense.
Lui demander plus serait finalement… égotique.
Stupide.
Superficiel.
Et finalement à l’opposé de la vraie vie.
Vous n’allez rien trouver à redire à ces photos. Vous, vous verrez à peine les veines, les plis du ventre, la cellulite. Et c’est bien là mon point : le poids de l’environnement dans lequel nous avons été immergées – dans lequel nous sommes encore immergées – est tellement lourd que notre corps n’a aucune chance de trouver grâce à nos propres yeux. Et toutes les femmes subissent ce poids, d’une manière ou d’une autre.
Vous savez quoi ? Oublions deux secondes l’environnement.
Vivons.
17 Août 2018
Maillot de bain Stella McCartney – Chapeau The Kooples – Lunettes de soleil Chanel – Peignoir Maison Château Rouge