ÉLOGE DE LA PARESSE

Je m’adonne volontiers à une activité que je trouve hautement nécessaire : celle de ne rien faire. Elle est à mes yeux la suite – dans la vie adulte – d’une activité que j’ai beaucoup pratiqué enfant : celle de l’ennui.

Fille unique dans mes jeunes années – mes frères et sœur sont arrivés alors que j’étais déjà grande adolescente – j’ai eu tout loisir de m’ennuyer ferme. Et de cette activité a priori si peu excitante est finalement née une immense curiosité (l’enfant aime bien s’ennuyer, certes, mais pas plus de deux minutes, donc il cherche. Et donc il trouve).

Ceci explique probablement pourquoi mon éducation personnelle est un peu étrange : à 7 ans, je sautais du deuxième étage d’un immeuble avec deux parapluies pour voir ce que cela faisait de voler (ça fait que c’est bien, mais deux étages, c’est beaucoup trop rapide).

A 11 ans, je demandais pour mon Noël la somme de 1056 pages de François Bluche publiée chez Fayard, sobrement intitulée : “Louis XIV”. Désarroi absolu de mon père et de ma belle-mère.

A 12 ans j’avais lu toute la bibliothèque de ma grand-mère (qui comportait tous les classiques, notamment Victor Hugo, mais aussi Colette et ses Claudines ou le Kamasutra) et de manière générale, je me transformais en fin limier afin de réunir toutes les informations disponibles sur les sujets qui me passionnaient (la vie digitale n’existait pas, n’est-ce pas).

A 14 ans, ma culture cinématographique était faite et bien faite (cela comportait autant Le Guépard que la série Emmanuelle) et dès 16 ans, je travaillais l’été, moins pour gagner de l’argent que pour découvrir des mondes nouveaux.

Cet ennui primaire m’a poussée vers les plus grandes découvertes, intérieures et extérieures.

Et je pousse à mon tour mes enfants vers cet ennui, en leur souhaitant de merveilleuses activités et découvertes. J’abhorre l’époque actuelle qui fait de nos enfants des ministres à petit pied et à agenda boursouflé.

Ennui et paresse sont aujourd’hui intimement liés dans mon esprit d’adulte. C’est important de s’ennuyer et c’est tout autant important de paresser, de se laisser aller, d’accepter de ne pas être dans la suractivité ou la pseudo-perfection à chaque instant, prônées par l’époque moderne.

(Disponible pour déjeuner au pied levé en semaine ? Honte sur vous.

Votre fille n’a qu’une activité extra-scolaire par semaine ? Honte sur vous.

Vous quittez le bureau avant 20 heures ? Honte sur vous.

Vous n’avez pas vu la dernière expo à la mode ? Honte sur vous.

Vous avez fait quoi ce weekend ? Rien de spécial ? Honte sur vous.)

“Tiger mum” je ne suis point. Mes enfants n’ont pas mille activités sociales. J’accepte complètement qu’ils soient parfois fatigués, moins concentrés, qu’ils aient besoin de paresser, parce que cela m’arrive aussi.

Je ne leur souhaite aucunement une incroyable réussite professionnelle, mais plutôt une incroyable réussite humaine. Et cela nécessite du temps, du recul et de la réflexion.

Aujourd’hui adulte, je ne fais rien d’autre que cela lorsque je paresse sur mon canapé à ne rien faire de particulier : je prends le temps de m’ennuyer. Mon esprit part en maraude et c’est merveilleux.

11 Janvier 2018

Marquis Paris - La Réserve (Hotel & SPA)

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