BARBIE

Ai-je été déçue par le film Barbie, de Greta Gerwing ? Oh que oui.

Commençons par les points forts du film : la reconstitution du monde de Barbie est géniale, les tenues sont stylées – on peut remercier Jacqueline Durran, l’Edith Head de son époque qui a aussi la maternité de LA robe verte dans « Reviens-moi » – et le film, bourré de clins d’œil et de références cinématographiques, est souvent drôle. Mais le battage publicitaire qui a été savamment orchestré autour du film pendant les six mois précédant sa sortie a peut-être tué dans l’oeuf des attentes trop élevées.

(Attention, je divulgâche le film dans les lignes qui suivent).

L’angle féministe très attendu se résume à une version fantasmagorique basique et ringarde (« sois toi-même ! ») alors que Greta Gerwing nous avait habitués à plus de finesse et de sensibilité dans ses films précédents.

Le seul tour de force féministe est le monologue d’America Ferrera mais les scénaristes de Barbie n’ont rien inventé puisqu’ils reprennent presque ligne à ligne le court métrage de 2020 « Be A Lady They Said », autrement plus fort.

Je ne peux m’empêcher de penser que Mattel, l’un des producteurs les plus significatifs du film, essaie de se refaire une virginité féministe.

Barbie la poupée propose depuis longtemps des normes de genre dépassées et une image corporelle irréaliste, avec des effets désastreux sur les enfants tels que, si j’en crois certaines études, une image corporelle négative et des risques accrus de troubles de l’alimentation. De nouveaux types de corps Barbie ont été introduits en 2016 seulement.

Même si Barbie a eu 200 carrières, je doute fortement que le métier de Barbie ait jamais été un critère de choix aux yeux d’un enfant. Je n’ai jamais choisi les Barbies de mon enfance en raison de leur métier – j’ai toujours voulu la plus belle à mes yeux à ce moment précis – ce qui en dit long.

Dans le film Barbie, Margot Robbie, qui est la « Barbie Stéréotypée » (c’est son nom) sans carrière et sans dimension aucune, est sympathique mais sans intérêt. En fait, j’aurais adoré un film centré sur Weird Barbie (Barbie Bizarre) – la sorcière du village qui ne dit pas son nom – qui est ignorée par les autres Barbies, sauf lorsque celles-ci ont besoin de ses conseils avisés.

Margot Robbie correspond parfaitement au physique irréel de la poupée Barbie et je me demande maintenant combien de femmes vont désormais se sentir laides parce qu’elles ne ressemblent pas à Margot Robbie.

Sasha – une humaine rebelle qui déteste les poupées Barbie et qui est une adolescente pleine de caractère et d’opinions – finit par s’évaporer, sans argumentation aucune, dans une approbation béni-oui-oui et par se conformer à une soi-disant féminité dans une robe babydoll rose.

Enfin, des acteurs ouvertement LGBT+ ont été choisis alors que l’hétéro-normativité règne partout dans le film.

Allan est peut-être censé incarner l’aspect « queer » du film Barbie (car la poupée Allan pouvait historiquement porter tous les vêtements de Ken, ce qui a donné lieu à des rumeurs selon lesquelles ces deux-là étaient peut-être un peu trop proches) mais dans le film Barbie, Allan est le seul « queer » dans un océan de Kens – et il n’y a pas aucune Barbie lesbienne en vue.

De plus, le personnage du film finit par apparaître aux yeux du public comme un Ken raté, car Allan la poupée a été présentée comme le meilleur ami de Ken en 1964 mais a été abandonnée au cours de la même décennie, avant d’être produite à nouveau dans les années 90, en tant que mari de Midge. Eh bien, personne ne se souvient d’Allan la poupée, soyons honnêtes.

Le « pinkwashing » transparaît à travers toutes ces incohérences propres au film et à travers la campagne marketing développée autour du film. Le nombre de collaborations signées par Mattel avec des marques de fast fashion est énorme (100 marques participent officiellement au marketing du film, notamment Airbnb, Zara, Primark, NYX – bonjour la surconsommation, adieu l’éco-féminisme).

Les ventes de poupées Barbie ont explosé de 200% sur Ebay en 2022 lorsque quelques images du film ont été dévoilées et je parie que 2023 fera mieux avec un effet de halo jusqu’à Noël, coïncidant avec la sortie du DVD.

Le nombre de reels Instagram présentant des tenues barbiesques s’élève désormais à des millions (si j’entends encore « hey Barbie », je hurle) offrant une publicité gratuite à Mattel. Barbie, dans le film, choisit le monde réel tandis que de vraies femmes se déguisent en poupées sur Instgram, oh l’ironie.

Le film Barbie est un film grand public et doit être considéré comme tel.

Ma fille de 10 ans qui a adoré le film m’a évidemment demandé une poupée Barbie en sortant du cinéma. Elle m’a également demandé de passer au magasin Zara le plus proche où étaient exposés des articles liés au film Barbie et proposés à des prix indécents.

J’ai fini par me sentir prise en otage par Mattel car le film Barbie n’est rien d’autre qu’une gigantesque publicité Barbie, légèrement twistée par une femme intelligente, Greta Gerwing.

NDLR. Voici donc de vieilles photos de ma petite personne dans une robe rose. J’adore cette robe, mais à aucune moment ne me suis-je sentie « barbiesque » en la portant. Je suis une femme, je ne suis pas une poupée.

Robe Alexander McQueen – Ballerines Repetto – Sac à main Lanvin – Lunettes de soleil Miu Miu – Chapeau The Kooples avec un ruban fait maison

Le 10 Septembre 2023